La joie, Charles Pépin
La joie, février 2015, 184 pages, 17,90 €
Ecrivain(s): Charles Pépin Edition: Allary EditionsQuand on se saisit d’un roman écrit par un philosophe, on redoute souvent que le récit soit trop « cerveau gauche » et analytique. Or à la lecture des premiers chapitres de La joie, cet apriori tombe et laisse place à de douces émotions. On sent vibrer le temps présent. La joie est là pour sublimer le quotidien, même le plus blafard des hôpitaux. La mère du personnage principal, Solaro, est mourante. Pourtant, cette triste nouvelle ne l’accable pas. Il continue à savourer son quotidien. Le bruit de la tasse sur le zinc d’un bar et la force de la caféine lui donnent envie de chanter. Il se « répète que c’est bon, c’est bon d’avoir un corps ».
Le début du livre est donc prometteur, on adhère tout de suite au concept de la joie du temps présent. Mais le scénario ressemble trop (de façon sûrement volontaire) à l’histoire de Meursault de L’Etranger de Camus. En effet, à la mort de sa mère, Solaro tue un homme sans raison particulière. Le reste du récit se passe au tribunal et en prison. Rien de révolutionnaire dans le scénario, mise à part la ferme intention de l’auteur de démontrer que la joie aide à surmonter l’adversité et même la mort. Ce petit clin d’œil à l’Etranger de Camus et au thème de l’absurde, n’est pas toujours joyeux et on frôle parfois la lassitude. Mais Charles Pépin tient son sujet jusqu’à bout et nous démontre à quel point, la joie, cette « force mystérieuse » est une excellente thérapie.
Finalement, ce thème de la joie rappelle le concept de « bonheur hédonique » de Christophe André (psychiatre renommé) expliqué tout récemment dans son ouvrage Qui nous fera voir le bonheur ? (Le Passeur Editeur, 2015). Le bonheur hédonique est lié à toute prise de conscience des petits et grands plaisirs de notre quotidien. C’est ce que réussit à illustrer parfaitement ce roman à travers le personnage de Solaro qui vit dans le moment présent et ne connaît jamais la détresse. Cette phrase de Christophe André pourrait d’ailleurs très bien résumer ce roman : « Voilà qui montre à quel point nous pouvons, par notre alchimie psychologique, par notre intelligence d’êtres humains, transformer – parfois même dans la plus grande adversité – de tout petits instants insignifiants ».
Comme l’écrivait Albert Camus dans L’Envers et l’Endroit, « Ce n’est plus d’être heureux que je souhaite maintenant, mais seulement d’être conscient ». C’est exactement le message que nous délivre Charles Pépin dans ce roman qui se lit en toute fluidité.
Marjorie Rafécas-Poeydomenge
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