La hauteur de l’horizon, Fabien Pesty
La hauteur de l’horizon, mars 2015, 200 pages, 13 €
Ecrivain(s): Fabien Pesty Edition: Paul & Mike
Trois Perses en nage en quête d’hauteur
L’homme étant à mi-chemin entre le fait divers et l’animal fatigué, Fabien Pesty invente des histoires à dormir couché. Excellent calcul : de même que la vache est d’une traite, le lit est rature.
Fabien Pesty a décidé de réécrire le corbeau et la cigale parce que La Fontaine c’était pas mal mais ça a vieilli. Mais, comme ce n’est pas un type à fables, il a pondu un recueil d’histoires (18, les a comptées l’éditeur qui n’a que ça à faire et qui a oublié la préface pourtant savoureuse) mi-chèvre, mi-raison, mi-figue Michou.
Certaines sont fort divertissantes : Fabien Pesty a la plume facile et le jeu de mot laid. Sa préface à « lire attentivement (…) avant la première utilisation du livre » en est un parfait exemple : si l’homme est l’animal le plus couard, le plus dangereux et le plus alcoolique c’est aussi « le seul qui sache écrire ». Voilà de quoi clouer le bec à tous ces philosophes sur le plat qui nous bassinent à perdre Allen. Car on ne fait pas d’homme-lettres sans casser Dieu.
La mère de Pesty était un monstre qui lui filait « de l’herpès rien qu’à en prononcer le nom ». Elle lui a flingué sa vie en transformant le meilleur whisky en vinaigre rien qu’en y trempant ses lèvres. « J’en oublie sûrement dans cet inventaire à la pervers ». Mais c’est qu’il est amusant, ce jeune homme.
Il revisite quelques vieux contes pour enfant, souvent avec bonheur à l’image de Blanche neige ou de Barbe bleue, un homme « d’une hétérosexualité inébranlable », parfois plus laborieusement commeAncel et Bretzel dont le meilleur reste le titre. Il pose quelques questions existentielles : quand il est déprimé, l’homme dit qu’il a le cafard mais que dit le cafard quand il a le bourdon ?
Mais il ne se contente pas de faire fonctionner les zygomatiques, il sait également émouvoir le lecteur, et ses deux nouvelles Babar et Le narval et les narvalos sont de belles réussites. Leur personnage central est un laissé pour compte de la nature : Babar est « gentil » et « ventripotent » mais il pédale au ralenti. Mariette est sourde, muette et gogole mais elle est capable de faire parler les animaux et de donner le poids d’un mouton à quatre kilos près. Fabien Pesty sait également se montrer inquiétant : le gang des moustachus a un côté kafkaïen (et Abel). Il devrait cependant prendre garde à ne pas céder à ses facilités naturelles. En littérature, il faut se méfier de ses démons mais sacrifier à ses déesses.
Le recueil est illustré par Sophie Péigné qui porte mal son nom : à défaut de peigne, elle a surtout un bon coup de crayon. Mais l’histoire retiendra peut-être que, outre ses talents de dessinatrice, Sophie peignait.
13 €, enfin, c’est peu cher (comme on dit à Marseille) : avec son salaire annuel, Zlatan Ibrahimovic pourrait en acheter un million d’exemplaires ! Mais les lirait-il tous ?
Fabrice del Dingo
- Vu : 3381