La Copiste, Jean-Michel Mestres (par Anne Morin)
La Copiste, Jean-Michel Mestres, La Manufacture des livres, novembre 2022, 219 pages, 18,90 €
Edition: La Manufacture de livres
Qui est derrière la copie d’une des plus belles pièces de Claudel, Partage de Midi ? Echafaudée, conçue comme une poupée russe, l’enquête que mène l’auteur attire, tire l’œil d’abord par sa couverture : on y lit le déchirement, la déchirure, la tristesse profonde d’un regard. Tenir en haleine, réverbérant à la fois le lointain venant à soi et les choses du passé.
Œuvre de longue haleine, la copie doit être appliquée. Pas une altération, pas un point, pas une virgule en trop ou en moins. Il faut s’atteler, s’abstraire de tout ce qui n’est pas cet enchaînement de mots : « J’ai hâte que les théâtres rouvrent et que la Comédie-Française reprogramme Partage de Midi. J’aviserai au sort du carnet. Je n’irai pas à Isle, c’est trop tard. Mais j’irai vers l’inconnue. Il en existe qui ne sont pas des êtres de papier » (p.218).
Il y faut de la passion. Comment cette pièce flamboyante, non encore éditée, juste diffusée à quelques proches, en pleine coupure, en pleine démarcation, a-t-elle pu se retrouver dans la bibliothèque héritée de l’écrivain – personnage de son livre ? Avant tout, il s’agit d’enquêter sur les initiales de cette copiste, savoir qui elle est, comment elle est entrée en possession de cet écrit encore confidentiel, passé sous le manteau, en pleine occupation ?
L’auteur mène son enquête qui lui entrouvre des perspectives sinon inconnues, du moins mouvantes, ricochet se jouant de lui. De simple curiosité, son enquête progresse, exponentielle, à l’obsession, jusqu’au renoncement. Mais s’agit-il pour lui d’un point final ? Mangeuse de temps, cette copiste lui aura permis de voir sa vie ordinaire déboucher sur d’autres perspectives : se débarrasser de meubles inutiles, trop encombrants pour la mesure d’un autre appartement, plus à lui. Se retrouver chez soi – en soi – après s’en être tenu éloigné par l’enquête menée pour retrouver le nom, plusieurs fois couru, de la copiste, jamais tenu, toujours échappé, n’est-ce pas au fond, qu’un exercice de santé et de style mené pour retrouver sa propre voie ?
Anne Morin
Jean-Michel Mestres est né en 1956. Parisien d’origine catalane, amateur de romans noirs, de cinéma, de photographie et de rugby, Jean-Michel Mestres a été journaliste, spécialisé notamment dans l’urbanisme et l’aménagement du territoire. Il se consacre aujourd’hui à l’écriture littéraire. La Copiste est son premier roman.
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