La claire fontaine, David Bosc
La claire fontaine, août 2013, 128 pages, 14 €
Ecrivain(s): David Bosc Edition: Verdier
Il serait amusant de dresser la liste des écrivains qui dansent et de ceux que la lourdeur habite, et d’une même plume en faire autant des peintres. La claire fontaine est la rencontre de deux danseurs. Il est des livres qui forcent avec style votre porte, qui s’invitent sans que l’on sache de prime abord pourquoi, qui vous bousculent et prennent leur aise, alors votre bonne éducation vous pousse naturellement à les accueillir. A les feuilleter dans un premier temps, pour voir de quoi ils sont faits. Puis à tout reprendre au début, à lire page à page leur nature, à reprendre, à hésiter, à ouvrir vivement les yeux, à les fermer et à écouter avec une grande attention leur musique, pour finir par secrètement se dire qu’ils ont eu raison ne pas vous prévenir.
La surprise est souvent affaire de plaisir, comme ce petit livre de David Bosc qui roule comme le Gave et vous éclabousse en passant. Il est plaisant de se faire mouiller par un tel styliste.
« Courbet a eu recours aux forêts inconcevables. Son œil ne tenait pas sur les jardins mignards. A peine assis, la barrière le gêne, il s’arrache au pliant, renverse les guéridons, calte, dévale tout le chemin jusqu’au gros chêne, gicle et fuse parmi les blés, paumes ouvertes sur la barbe d’épis, doigts écartés dans la fourrure rêche, qui le gratte, l’irrite, l’échauffe : il plonge à la première eau, flaque ou nuage noir ».
C’est toujours une affaire de style, pas étonnant que les grands stylistes n’échappent point dans un premier temps à la vindicte ou au silence de leurs contemporains, et dans un second, parfois au sourire narquois de leurs descendants aigris.
Chez l’un la matière subtile et légère de la phrase, l’art de la faire valser, de la faire tourner et se retourner, chez l’autre la palette en éveil permanent, suspendue, l’œil tendu qui voit devant lui ses modèles et la nature qui n’en reviennent pas d’être ainsi regardés par une main qui danse et un corps qui peint.
Le corps du peintre, c’est celui de l’exil, de la fuite, et dans sa fuite il garde la mémoire de ses couleurs, de sa rigueur, de ses formes, de son odeur, de ce que lui dit sa peau, et sa permanente envie d’embrasser et d’embraser la nature, sa nature endormie. A ses côtés, le corps de l’écrivain qui lui aussi froisse la terre et la boue, salue ce temps aimé, cette magie du mouvement permanent des passions et de la révolte, celle des mots et du motif, qui valent mille barricades.
Philippe Chauché
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