La belle, Mathieu Terence
La belle, février 2013, 105 pages, 12,50 €
Ecrivain(s): Mathieu Terence Edition: Grasset
Mathieu Terence s’attache, dans le beau récit La belle (qui entretient de secrètes et plus apparentes liaisons avec son Petit éloge de la joie), à rendre compte de la façon dont il a cherché à « élucider la vie par les mots ».
Sans jamais distraire la vie, dans sa beauté, de son cours. De son élan. Musical élan.
En somme, écrire non pour seulement épouser les frémissements de la vie, mais pour, en en épousant les détails (jusque dans l’impalpable), et les inflexions sonores (jusque dans l’inaudible), parvenir à les vivre, à les vivre tels qu’ils sont, dans leur force, leur évidence. Leur mystère, aussi.
« La vie prodigue à chaque instant le miracle qui la prodigue ».
D’où les voyages, incessants, sur le dos desquels l’homme et la femme doivent se hisser – c’est la « leçon » de Terence –, pour pouvoir voir sans ciller l’horizon qu’ils portent en eux. Et dont ils ne prennent jamais soin avec suffisamment d’ardeur et de douceur mêlées.
Cette beauté de la vie tient à la nature, miracle à jamais présent, partout, pour qui sait voir. C’est-à-dire pour qui prend le temps de voir.
« Le ciel est à l’heure. J’aime son vol sans escale. Je crois que toute beauté m’encourage ».
Ciel. Mais aussi fleurs. Mais aussi arbres : « Ces arbres ont plusieurs siècles de haut. Ils habitent leur force ».
La beauté de la vie tient également, pour Terence, aux figures féminines, par quoi l’amour est donné à la vie. L’amour au centre de quoi (de qui devrait-on écrire) se lit la tendresse : « Dans sa tendresse, je reprends cœur », écrit Terence, parlant d’une aimée, c’est-à-dire d’une inconnue connue.
L’amour est décrit par Terence comme une eau mouvante sans cesse recommencée dans son mouvement d’eau mouvante, qui accroche à sa peau des éclats de lumière, une eau emplie d’oxygène, dont la fluidité fait penser à celle du sang, une eau jamais atteinte et au centre de laquelle, pourtant, on baigne tout entier. Une eau toute chamarrée de lumières – tant elle veut être belle – pour qu’à chaque instant l’air se révèle, au-dedans de nous, souffle.
Et l’amour est, pour Terence, sans cesse lié à la mort. A cette mort que l’auteur décrit comme un autre souffle, soulevant, au rythme d’une respiration immémoriale, non tempétueuse, chaque feuillet de La belle.
Car cette belle, c’est bien la Mort. La mort avec laquelle Terence cherche à s’étreindre, après avoir été l’un de ses plus proches voisins (« J’ignore l’instant exact où ma mort et moi nous rapprochâmes au point d’être inséparables »), pour pouvoir enfin se détacher d’elle, et éprouver toute la nécessité éblouissante de la vie, qui tient à l’envol d’oiseaux au-dedans de soi – bruyant et silencieux, inattendu, passager, si grand et pourtant tellement sans importance – avec quoi se confond le lâcher prise.
Matthieu Gosztola
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