L’Orient mystérieux et autres fadaises, François Reynaert
L’Orient mystérieux et autres fadaises, octobre 2013, 430 pages, 23 €
Ecrivain(s): François Reynaert Edition: Fayard
Ottoman en emporte le vent
(ou Asie mineure et fa dièse)
François Reynaert doit aimer les fadaises. Il nous avait déjà enchantés avec Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises, le voilà qui réitère avec ce nouvel opus.
Résumer 2500 ans d’histoire en 400 pages n’est pas une mince affaire mais il possède l’art de simplifier ce qui paraît complexe. Il montre comment l’empire arabe connut son apogée et comment il déclina parce que l’islam, après avoir montré une grande ouverture d’esprit à l’égard des autres cultures, se sclérosa et se replia sur lui-même, notamment sous l’action néfaste de religieux tatillons qui, par exemple, mirent 200 ans pour accepter l’invention de l’imprimerie.
Il a le sens de la formule, parlant de « la crucifixion d’un agitateur juif originaire de Galilée nommé Jésus » pour évoquer cet événement passé totalement inaperçu à l’époque. Il rappelle opportunément que le christianisme n’était qu’une secte juive parmi tant d’autres et que ce symbole de l’occident chrétien a son berceau en Syrie, en Turquie et au Maghreb. En effet, Jésus n’a rien à voir avec l’image qu’ont laissée de lui les peintres de la Renaissance – un blondinet avec la coiffure de Julien Clerc dansHair – mais il devait plutôt ressembler à Yasser Arafat.
Il nous rappelle que Rome et son empire occidental s’effondra sous le poids des invasions barbares au Vème siècle mais que la partie orientale de l’empire (Constantinople/Byzance) résista aux envahisseurs germaniques et lui survécut 1000 ans.
Que les rois et empereurs qui ont fait l’histoire de France (Charlemagne par exemple) sont totalement inconnus en Orient, que les chiffres arabes ont été inventés en Inde.
Que ce ne sont pas les croisades qui ont précipité le déclin du monde arabe mais Gengis Khan et ses Mongols. Avant l’avènement de l’empire ottoman qui de la chute de Constantinople (1453) jusqu’à la fin du 19ème siècle va s’étendre sur trois continents malgré quelques cinglants revers dont la bataille de Lépante (1571) au cours de laquelle la quasi totalité de la flotte ottomane est détruite. Ottoman, suspend ton vol !
Mais le monde arabe a été aussi aveugle à l’égard de l’Occident que celui-ci l’avait été à l’égard des Arabes. Tandis que les états européens s’unifient peu à peu et envoient leur navigateurs à travers le monde, les Arabes se replient sur eux-mêmes : cette civilisation qui a tant apporté à l’occident est tellement persuadée d’être supérieure aux autres qu’elle ne voit pas qu’elle court à sa ruine. Car « les historiens partagent ce constat avec les alpinistes : arrivé au sommet on ne peut plus que redescendre». Quel philosophe ce François Reynaert !
Le 19ème siècle va voir l’apogée de l’Europe qui impose sa loi au Moyen-Orient, les puissances européennes réglant leurs comptes à distance et se partageant les débris de l’empire ottoman avant que la poudrière de l’Europe, les Balkans, ne déclenche la grande boucherie de 14-18. Persuadés que les Allemands ne feront qu’une bouchée des Anglais, des Français et des Russes, les Ottomans se joignent à la Triplice qui leur permettra de retrouver leur splendeur d’antan. Bonne pioche ! Les Anglais leur mettent dans les pattes Hussein, chérif de la Mecque dont le rêve est de réaliser un royaume arabe unifié, et l’officier britannique Thomas Edward Lawrence qu’on connaît mieux sous le nom de Peter O’Toole. Les Ottomans finissent écrasés, c’est à peine s’ils ont eu le temps de génocider entre 800 000 et 1,5 million d’Arméniens.
Quant au complexe de supériorité qui a peu à peu gagné l’Europe, l’auteur de L’Orient mystérieux et autres fadaises le ramène à sa juste valeur. « L’Occident a donné au monde la démocratie parlementaire, la pensée des Lumières, la pénicilline et l’électricité. Il a également inventé les deux guerres mondiales, le nazisme et le délire stalinien ». Et François Reynaert !
Fabrice del Dingo
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