L’ombre du crime, Panique sur Brive, Virginie Anglard (par Sylvie Ferrando)
L’ombre du crime, Panique sur Brive, Editions Le Geste noir, mars 2019, 400 pages, 13,90 €
Ecrivain(s): Virginie Anglard
Virginie Anglard livre ici un roman policier que l’on lit sans souffler de bout en bout, avec un suspense bien mené. Les chapitres font alterner personnages et lieux de Brive-la-Gaillarde et de ses environs. Brive-la-Gaillarde est une ville gastronomique de Corrèze qui héberge chaque année au mois de novembre le salon du livre qui porte son nom, événement très prisé des auteurs et des éditeurs. Mais ceci n’est peut-être qu’anecdotique. Il n’y a en effet nulle référence directe au livre et à l’édition dans ce roman qui met aux prises un assassin aux rituels pervers, une enquêtrice-stagiaire qui cache un lourd secret et deux victimes torturées. Ces deux victimes, deux belles femmes célibataires de quarante ans, l’une gérante d’une boutique de prêt-à-porter féminin, l’autre maire de Brive, disparaissent tour à tour et font l’objet d’une macabre mise en scène.
Peu à peu l’enquête avance, menée au commissariat de Brive par le commandant Victor Guiliano et ses adjoints les lieutenants Franck Bréchard, Befey et Djomo, personnages hauts en couleurs, dont les dialogues font vivre le récit.
– Il n’y a pas ce genre de… d’établissement à Brive ? demanda Cassandra.
– Si, bien sûr, répondit Guiliano. Mais ces dames préféraient sans doute s’éloigner un peu d’ici pour leurs parties fines.
Trois paires d’yeux scrutaient le commandant qui se sentit rougir :
– Eh ! Ne me regardez pas comme ça, je me tiens au courant, c’est tout !
– C’est ça ! ricana Bréchard. Et cette profonde connaissance des lieux de perdition brivistes n’a rien à voir avec ton indécrottable célibat ?
Les personnages sont bien campés, sur le mode de ceux des romans policiers contemporains : héros un tantinet blessés, maniant l’humour noir, l’ironie, les calembours, pour dépasser et égayer le quotidien peuplé de cadavres et de meurtriers. Le brigadier Chazat, le docteur N’Guyen, médecin légiste, le très jeune procureur Charles-Antoine Tinayre et le commissaire-divisionnaire Eric Gantier viennent compléter la galerie des portraits. Le lecteur est immergé dans une ambiance franche et virile, au sein de laquelle l’élève-officier stagiaire Cassandra Walter se sent parfois un peu seule.
– Tu as envoyé Walter en mission ? demanda Bréchard en regagnant le bureau.
– Comment ça, « en mission » ? s’étonna Guiliano.
– Ah, je croyais. Comme on ne l’a pas vue ce matin…
– Comment ça, « pas vue ce matin » ? s’inquiéta Guiliano.
Bréchard stoppa au milieu du couloir et regarda Guiliano comme s’il avait eu une mouche posée sur le nez.
– Dis donc, Victor, tu ne serais pas en train de nous faire une petite crise d’écholalie ?
– Et toi, tu ne serais pas en train de tester un mot nouveau ? Sans dec’, Walter n’est pas arrivée ?
Le dénouement de l’intrigue tient à un artifice langagier fort astucieux, qui participe de la construction travaillée du roman policier de Virginie Anglard.
Sylvie Ferrando
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