L’Offre des possibles, Alexandre Blaineau (par Didier Ayres)
L’Offre des possibles, Alexandre Blaineau, éditions Milagro, décembre 2022, 96 pages, 12 €
Coalescence
Je trouve souvent en poésie, et ici c’est encore le cas, que le poème ressemble à l’eau d’un ruisseau, qui laisse entrevoir le visage du poète, ses attentes, ses questions et ses angoisses. Le portrait de l’intimité que dresse ce texte-là, s’apparente à ce qu’on appelle la coalescence, c’est-à-dire une superposition de miroirs renvoyant chacun à une réalité qui vient se fondre, se défaire et se refaire dans cette opalescence. On pourrait presque parler en ce lieu de miroir d’angle dont l’image scintille très rapidement, vient affleurer le livre comme sont capables de beaucoup de simplicité les haïkus japonais. Donc, une fulgurance, comme une truite dans l’eau vive d’un lac qui viendrait heurter les strophes aquatiques du livre. Oui, une rêverie de l’eau, que l’on connaît bien depuis Bachelard.
Écrire c’est poursuivre l’impossible, le désir impossible lequel est la source de cette vacance nécessaire pour que le texte advienne. Ce désir est la source (fontaine et commencement) de l’impossible intrinsèque du poème qui répond céans à faire jaillir quelque chose de plus grand que soi, et pour cela, englobe plusieurs idées, plusieurs probations. En tout cas, dans ce petit recueil de poésie, l’on devine l’amour porté à autrui, amour d’une blessure, d’une extase invisible mais sensible. Tout cela dans une forme courte voire très brève.
Peu de poésie dans le texte de tes mains
Mais l’âme des jours
Enserrée
Donc, une essentialisation, une quintessence du désir du et d’un poème. Car il faut porter attention à chaque strophe, chaque vers, chaque mot, capables de contenir plus que la vie ou l’esprit, mais l’esprit de la vie. Une concentration méditative mais musardant çà et là des motifs de beauté.
Amoureux d’être
Pour toi
Nous découvrons les risques de la beauté
L’on ressent la personne amoureuse à la frontière de lui-même, car écrire comporte un danger : se perdre dans l’écrit sans pouvoir écrire ce qui se perd. Cet impossible croisement de deux absolus (celui de l’écriture et de ce qu’elle veut saisir) nous confine à une lisière, à un point de non-retour, de perdition dans des sens pluriels.
Cette hésitation
A la lecture du texte
Le mot amour ne se dit pas comme cela
Tout ce que je dis se rapporte à mon sentiment personnel, mais je crois que cette prosodie à la fois dense et ductile nous rapproche de nous-mêmes, nous écrit en quelque sorte, donc nous offre des possibles.
Didier Ayres
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