L’imbécillité est une chose sérieuse, Maurizio Ferraris
L’imbécillité est une chose sérieuse, août 2017, 148 pages, 12 €
Ecrivain(s): Maurizio Ferraris Edition: PUF
Manuel d’Imbécillité
Il n’y a pas que les mots qui mentent, déguisent, égarent plus qu’ils ne guident. Mais, peu importe après tout puisque ceux qui les émettent – et quel que soit leur niveau d’incompétence – sont des imbéciles. Ils font abstraction du fait que la réalité leur saute dessus comme un fauve sur sa proie. Emerveillés de leur bêtise, ils ne s’en éprouvent en rien coupables puisque c’est la chose la plus partagée au monde. Dès lors le massacre des innocents par un Mengele est moins un mal qu’une fatalité. Et c’est bien là où dans ce pamphlet tout coince.
La thèse qui peut faire rire lorsqu’elle jouxte le pire est moins probante. Que Ferraris s’en prenne à Rousseau (sa bête noire), Nietzsche ou Flaubert, devient péripétie. Certes il faut prendre ce livre pour ce qu’il est : une fable propre à illustrer autant la misère des hommes que de leurs philosophies. Et l’auteur a beau jeu de nous rétorquer que notre jugement est fallacieux puisqu’il n’est donné que du haut de notre imbécillité. Mais le même reproche peut être donné à l’amuseur.
Il s’en rend coupable si bien sûr il feint de s’en détourner. Néanmoins dans son livre il s’y laisse couler. Certes, son comment dire cache un comment ne pas dire. Il devient un comment-taire de ce qui généralement nous rassure. Mais, penseurs ou non, nous sommes tous de ces voyageurs qui tentent de franchir un col de la connaissance sous la neige sans n’y parvenir jamais.
Pour l’auteur, le tourbillon des mots assure la bêtise de ceux qui les écrivent. Leur niveau social ou d’études n’y change rien. Ce constat serait terrible sans l’humour d’aveux qui ne coûtent rien au philosophe. C’est pour lui une manière de se rassurer ou de se cacher une désastreuse vérité. Nul ne peut échapper ni à la dégradation, ni à la ruine du logos.
C’est dans cet esprit qu’il faut continuer à lire celui qui comme nous est atteint de la maladie qui ne se guérit pas. Il a le mérite de penser cette fascination en caressant parfois l’espoir confus de la dépasser.
Jean-Paul Gavard Perret
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