L'expérience Oregon, Keith Scribner
L'expérience Oregon (The Oregon Experiment), septembre 2012, trad. USA Michel Marny, 526 p. 21 €
Ecrivain(s): Keith Scribner Edition: Christian Bourgois
A quoi tient le malaise, agaçant, qui s’installe et persiste à la lecture de ce livre ? Probablement à une question qui reste sans réponse. Quel en est l’objet ?
Un couple new-yorkais vient s’installer loin, très loin de la grande Cité : dans l’Oregon. Il est professeur d’université, spécialisé dans l’histoire des mouvements politiques, en particulier sécessionnistes. Elle, était un « nez » ! Oui un nez, une spécialiste de l’olfaction, employée avec un succès considérable dans la fabrication des parfums. Mais voilà : à la suite d’un choc à la tête elle a perdu tout sens olfactif. Elle souffre de ce que la médecine appelle « anosmie ». Elle en est fortement déprimée et la décision de l’exil rural en est une conséquence.
On se prend à penser que le sujet du roman est justement l’exil rural pour des citadins shootés au CO2.
« New-York manquait à Naomi. Elle appelait trop souvent ses vieux amis. Elle lisait les pages Arts du Times avec trop d’attention. Elle se retrouve à attendre au coin des rues du centre-ville que passe un bus dont elle pourrait humer une bouffée brûlante de gaz d’échappement. Un marteau piqueur, un klaxon, même le plus petit bouchon l’apaisaient comme une odeur de son enfance. »
Scanlon, le mari, lui, adhère très vite à sa nouvelle vie. Il rencontre une bande de babas sécessionnistes, menés par une superbe femme sauvage et « libérée », Séquoia. Il y trouve sujet à « recherche universitaire » et très vite, sujet à échanges torrides avec Séquoia !
On se dit alors que c’est là le sujet du livre : un mouvement de sécession de l’Oregon, « l’expérience Oregon ». Terme qui se mêle à un troisième : Naomi a ainsi appelé l’explosion de senteurs qu’elle vient de retrouver grâce à une rémission soudaine de son anosmie ! Alors on se dit que c’est ça le sujet (cette répétition est scandée comme la lecture du livre) : le nez de Naomi et une expérience olfactive.
Enfin on rencontre un personnage détonant : Clay, grand gars dégingandé et anarchiste jusqu’au bout des doigts. Alors on se dit …
Bon Mieux vaut arrêter là.
Et à partir de ces quatre personnages, Scanlon, Naomi, Séquoia, Clay, le livre tourne en rond, ne choisissant à aucun moment un fil narratif. Des amours furtives de Scanlon et Séquoia aux amours furtives de Clay et Naomi. Du mouvement sécessionniste aux odeurs de la campagne Oregon.
Restent quatre portraits de personnages. Tous aussi antipathiques et veules les uns que les autres.
Scanlon, petit prof sans envergure, incapable de publier la moindre étude digne de ce nom. Il finit carrément odieux en dénonçant Clay et le mouvement sécessionniste à la police fédérale.
Naomi, mère hystérique, fascinée par son corps et l’allaitement du bébé qui vient de naître. Egoïste et mesquine.
Séquoia, grande bringue baba cool, irresponsable et sotte, passionnée par la sécession et les … cookies.
Clay enfin, qui pourrait être le personnage le plus attachant, mais qui, peu à peu, s’avère imbécile et incapable, jusqu’à se faire sauter à la dynamite dans un « attentat » contre un barrage qui ne subit même pas le moindre dégât.
Pourquoi pas pourrions-nous dire ? Pourquoi pas ces quatre portraits comme objets de ce livre ? Ce serait un peu léger mais bon, on peut l’imaginer. Mais c’est là que vient le défaut majeur : à aucun moment on ne sent que l’auteur se rend compte que ses personnages sont inintéressants et assez odieux, son histoire ténue et maussade. Au fond Scribner est comme nous lecteurs : il semble s’ennuyer dans une histoire dont il cherche le sens.
Scribner paraît s’être enlisé dans un récit imprégné de pathos local.
Léon-Marc Levy
NB : Vous verrez souvent apparaître une cotation de Valeur Littéraire des livres critiqués. Il ne s’agit en aucun cas d’une notation de qualité ou d’intérêt du livre mais de l’évaluation de sa position au regard de l’histoire de la littérature.
Cette cotation est attribuée par le rédacteur / la rédactrice de la critique ou par le comité de rédaction.
Notre cotation :
VL1 : faible Valeur Littéraire
VL2 : modeste VL
VL3 : assez haute VL
VL4 : haute VL
VL5 : très haute VL
VL6 : Classiques éternels (anciens ou actuels)
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