L’Enfant et le temps, Marie Sellier, Elsa Oriol (par Yasmina Mahdi)
L’Enfant et le temps, Marie Sellier, Elsa Oriol, éditions L’Étagère du bas, mai 2024, 32 pages, 15 €
La petite fille en rouge
Ce délicat album jeunesse prend pour sujet un thème universel, qui concerne l’univers dans sa totalité ainsi que tous les êtres vivants : le temps. Mais qu’est-ce que le temps pour une toute petite fille ? Une abstraction… Et c’est ce que son entourage affectueux va tenter d’expliquer à la petite fille en rouge.
Marie Sellier, née en 1953, est écrivaine et scénariste, diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris. Nommée Chevalier des Arts et des Lettres en 2007, elle a, durant de nombreuses années, été présidente de la Charte des auteurs et illustrateurs pour la jeunesse. Elle a également écrit 5 films documentaires sur des peintres et des sculpteurs, pour la télévision et le cinéma. Pour ce nouvel album, l’autrice écrit ce joli récit à la manière d’une comptine, d’un conte, d’une poésie, sous forme de dialogues brefs, afin d’élucider quelques problématiques temporelles.
Grâce à celles et ceux qui l’entourent, l’éduquent, la fillette va appréhender la décomposition du temps, sa durée, son calcul entre passé, présent et futur – des phénomènes complexes. Elle va découvrir les différents âges, de l’enfance à l’âge adulte jusqu’au grand âge. Or comment aperçoit-on le temps et le perçoit-on ? Quels en sont les indices ? Le réveil, ici grand comme une horloge, va être le premier signe perceptible du temps. « Alors le temps, c’est avant et c’est après », dit l’enfant. Oui, c’est l’ici et le maintenant, l’avant et l’après, déictiques embrayeurs de sens qui vont permettre une construction du moi chez la petite fille.
Les peintures sensuelles sont d’Elsa Oriol, née en 1967, illustratrice française, qui a travaillé dans l’architecture d’intérieur, formée à la peinture par les ateliers de la Fédération Compagnonnique. Elle a obtenu le National Jewish Book Awards 2014. La petite fille vêtue de rouge, en socquettes vertes et chaussée de ballerines vernies, a un air de ressemblance avec Alice et sa course folle au pays des merveilles. Depuis la couverture, les tableaux emplissent les pages, dont 7 doubles-pages, ornementées par l’ajout de quelques tondi. Les représentations, soignées, diaprées, forgent des œuvres indépendantes. Les personnages se détachent sur des fonds nuancés, fluides, assourdis par des verts de vessie rehaussés de jaune, d’orangé, de bleus gris et de bleus foncés. La fillette est brossée en pied et en plans rapprochés.
Des traces de pinceaux, de brosse, donnent du relief à la palette d’Elsa Oriol, de la brillance. Les illustrations ont une facture plastique qui les rangent du côté de l’art contemporain, notamment par une accointance avec l’œuvre peinte de Katia Bourdarel.
Yasmina Mahdi
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