L'enchanteur. Nabokov et le bonheur, Lila Azam Zanganeh (par Léon-Marc Levy)
L’Enchanteur. Nabokov et le bonheur. Trad. (anglais USA) Jakuta Alikavazovic. Octobre 2011. 228 p. 20 €
Ecrivain(s): Lila Azam Zanganeh Edition: L'Olivier (Seuil)
Que faire de mieux, quand on écrit un livre qui porte le nom de bonheur dans son titre, que d’en faire un livre plein de bonheur ? Lila Azam Zanganeh n’y manque pas ! Son Nabokov, l’Enchanteur, est un remède contre toute forme déclarée ou pernicieuse, de déprime.
Ce livre est d’abord, bien sûr, une déclaration d’amour passionné à Vladimir Nabokov. « C’est là que j’ai découvert la texture du bonheur ». Rien moins ! Il nous faut avouer que cette entrée surprend a priori : Nabokov n’est pas – toujours – l’écrivain qui incarne le bonheur dans notre imaginaire de lecteur. On y voit volontiers des ombres, des malaises, une sexualité compliquée. Humbert Humbert, le héros de Lolita, ne symbolise guère un ciel sans nuage ! Non. C’est ailleurs que Lila Azam Zanganeh va chercher, au cœur de l’œuvre du maître, une source intarissable de bonheur. « La joie profonde qu’inspirent Lolita ou Ada prend sa source ailleurs, dans une expérience de la marge et des limites (au sens quasi mathématique d’ouverture), qui devient celle de la poésie. Et cette poésie est félicité ou, comme le disait VN dans sa langue maternelle, en russe : blazhenstvo »
Et nous voilà partis dans un voyage étonnant, au creux des histoires de Nabokov (fictives et réelles), en compagnie de quelques-uns de ses personnages romanesques : Humbert Humbert bien sûr, Lolita, Ada, Van. Personnages de la vie de NV aussi : sa mère, sa chère famille, les figures de son enfance russe, et ses papillons. Des papillons, il y en a partout dans ce livre de butineuse ! Partout Nabokov se promène avec son filet et inonde les pages de sa passion d’entomologiste, sa plus grande passion « bien avant la littérature ! » « Enfant, VN s’imaginait devenir entomologiste de renom ou, à tout le moins, conservateur infatigable de lépidoptères dans quelque musée immense et merveilleux ».
Chaque chapitre de ce livre est une variation sur le thème central de Nabokov et du bonheur. Lila Azam Zangareh varie tout : les formes, les styles, les thèmes. Chaque chapitre est une fleur où, comme le papillon qu’elle veut être dans ce voyage nabokovien, elle prend une goutte de nectar dans l’œuvre ou la vie de NV et nous la restitue, intacte et enivrante.
L’auteure va jusqu’à métaphoriser le thème des variations dans la typographie de son livre, mêlant les polices, les styles, les calibres.
Au sortir du voyage, on est certes imprégnés de Nabokov mais habités par les milliers de couleurs venues de Lolita et d’Ada, mais surtout des ailes des papillons qui parcourent les pages et les jours de Vladimir Nabokov. Nous sommes des lecteurs éblouis.
« Bientôt le jour étincelait jusqu’à l’horizon. Et dans un éclat de conscience pure, je prêtai l’oreille à toutes ces couleurs qui menaient leur douce fête. »
Un bien joli hommage littéraire au grand Vladimir.
Léon-Marc Levy
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