L'éclat d'obus, Maurice Leblanc
L’Éclat d’obus, préface de Jean-Luc Fidel, avril 2013, 316 pages, 8,65 €
Ecrivain(s): Maurice Leblanc Edition: Petite bibliothèque Payot
Été 1914. Paul Delroze et sa jeune épouse Élisabeth d’Andeville arrivent au château d’Ornequin, propriété de la famille de la jeune femme, mais laissée à l’abandon depuis la mort de sa mère. Dans ce château lorrain à deux pas de la frontière, au moment même où la guerre est déclarée, une soudaine révélation dresse brutalement l’un contre l’autre les deux amants. Paul, désespéré, se jette à corps perdu dans les combats. Mais très vite, l’affrontement avec l’Allemagne devient pour lui une quête personnelle de vérité – et le moyen d’assouvir sa vengeance.
Publiée en feuilleton dans Le Journal entre septembre et novembre 1915, puis paru en volume en 1916, L’Éclat d’obus est un roman patriotique où la représentation caricaturale des Allemands vient servir la légitimation des combats. Cependant, il ne s’agit pas là véritablement d’un roman de guerre. Ce n’est qu’en apparence que la haine de Paul pour une Allemande incarne la lutte des deux pays : la guerre n’est finalement qu’une toile de fond, riche en péripéties et en événements dramatiques, pour un roman de mystère et de vengeance, qui évoque de près les aventures d’Arsène Lupin.
En effet, si le personnage de Lupin est ajouté par Leblanc seulement dans un deuxième temps (dès 1916 selon le préfacier, en 1923 selon Daniel Compère dans le Dictionnaire du roman populaire francophone), pour une apparition fugace, L’Éclat d’obus présente nombre des traits des aventures du gentleman cambrioleur, comme le souligne Jean-Luc Fidel dans sa préface. L’énergie du personnage, sa capacité à faire feu de tout bois, le flottement des identités comme moteur de l’intrigue, l’utilisation habile de l’architecture et de la topographie, tout cela est retrouvé avec plaisir, bien que L’Éclat d’obus soit un roman mineur, l’idéologie alourdissant un peu le propos.
Si la lecture de L’Éclat d’obus est fort agréable, on ne peut oublier le contexte dans lequel paraît le roman, d’autant que les Éditions Payot & Rivages ont accompagné sa reparution au printemps dernier de celle de deux volumes de Rouletabille à la guerre de Gaston Leroux, Le Château noir et Les Étranges Noces de Rouletabille. On est poussé de la sorte à s’interroger sur cette utilisation toute romanesque des horreurs de la guerre. Celle-ci, en un sens, nous rend le roman lisible, le « bourrage de crâne » y paraissant si artificiel qu’il interpole assez peu avec l’intrigue. Mais elle est aussi gênante, en exploitant sans complexe le potentiel dramatique d’une guerre en cours au moment même de l’écriture. En cela même, L’Éclat d’obus est un témoignage historique sur l’esprit d’une époque, tout en nous renvoyant à une interrogation sur les fictions contemporaines – cinématographiques, en particulier – dans leurs rapports aux horreurs du présent.
Ivanne Rialland
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