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L’associé, Joseph Conrad

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino 20.03.17 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Iles britanniques, Nouvelles

L’associé, janvier 2017, trad. anglais G. Jean-Aubry, 86 pages, 2 €

Ecrivain(s): Joseph Conrad Edition: Folio (Gallimard)

L’associé, Joseph Conrad

 

Le parti pris de cette nouvelle extraite du recueil En marge des marées est en apparence convenu. Un auteur de fictions pour revues traîne son ennui dans le fumoir d’un petit hôtel en bord de mer où un vieil arrimeur a ses habitudes. Peu aimable, celui-ci vitupère contre la naïveté des touristes et la complaisance des mariniers à exploiter « cette histoire à dormir debout » concernant un naufrage passé. Et l’homme habituellement taciturne de livrer sa version des faits.

Toute l’affaire, avant de se terminer sur les rochers de la côte, a démarré dans un bureau à Londres où Georges Dunbar, frère du capitaine et propriétaire du bateau le Sagamore s’est associé à Cloete, un américain véreux. Un brave homme influençable, un exécuteur des basses besognes, une épouse frivole et une autre modèle : aucune de ces figures typiques ne manque à l’appel. La physionomie de chacune comme sa psychologie animent des décors un peu miteux de cette Angleterre où on rêve d’autant plus d’argent et d’exotisme que les affaires sont rudes et le ciel plombé.

En réalité, la nouvelle interroge sur l’inspiration et l’écriture. D’ailleurs, l’ancien arrimeur ne daigne prêter attention à l’étranger qu’à partir du moment où il sait qu’il exerce le métier d’écrivain.

Comment se forme une intrigue, à partir de l’imaginaire ou de la réalité ? La réponse de l’écrivain met en exergue le fond. « Quelquefois, il faut tirer des tas de choses de sa tête, quelquefois rien. Je veux dire que l’histoire n’en vaut pas la peine. C’est de ça que tout dépend ».

Or, l’essentiel n’est-il pas au contraire dans la forme ? Car sinon, qu’est-ce qui distinguerait le texte travaillé d’un auteur du récit rapporté oralement par un témoin ?

Voilà probablement des questions qui se sont imposées au capitaine Conrad quand il commença à écrire à 32 ans. Embarqué à 17 ans, il dut se passionner, dans tous les ports, pour les confidences de marins et d’aventuriers. Mais combien de ses compagnons furent-ils à partager cette avidité sans pour autant devenir, comme lui, un écrivain de génie ?

Sous ses bougonnements, le vieil homme du fumoir soulève donc la question fondamentale du mystère de la création. Son interlocuteur tirera-t-il finalement de sa narration un texte de son cru ?

Ainsi, la publication à part de cette nouvelle permettra à ceux qui ne le connaissent pas encore de découvrir l’univers de Conrad et donnera aux lecteurs de ses romans l’envie de se plonger dans les Nouvelles complètes publiées par le même éditeur dans la collection Quarto.

 

Marie-Pierre Fiorentino

 


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A propos de l'écrivain

Joseph Conrad

 

Joseph Conrad (1857-1924) est un écrivain britannique d’origine ukraino-polonaise. Sa carrière littéraire relativement brève (14 ans) se déroule après une vingtaine d’années passées à naviguer vers l’Inde, l’île Maurice, l’Australie… Son premier roman, La Folie Almayer, paraît en 1895 et Conrad publiera quasiment chaque année jusqu’à sa mort (Un paria des îles en 1896, Lord Jim en 1900…). La profondeur d’analyse et la puissance symbolique de ses romans d’aventures exotiques font de lui l’un des plus grands romanciers britanniques.

 

A propos du rédacteur

Marie-Pierre Fiorentino

 

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Rédactrice

Domaines de prédilection : littérature et philosophie françaises et anglo-saxonnes.

Genres : essais, biographies, romans, nouvelles.

Maisons d'édition fréquentes : Gallimard.

 

Marie-Pierre Fiorentino : Docteur en philosophie et titulaire d’une maîtrise d’histoire, j’ai consacré ma thèse et mon mémoire au mythe de don Juan. Peu sensible aux philosophies de système, je suis passionnée de littérature et de cinéma car ils sont, paradoxalement, d’inépuisables miroirs pour mieux saisir le réel.

Mon blog : http://leventphilosophe.blogspot.fr