L’Arnitoile, En attendant la parque, Patryck Froissart (par Patrick Devaux)
L’Arnitoile, En attendant la parque, Patryck Froissart, Sinope éditions, Poèmes, septembre 2023, 92 pages, 8 €
Ecrivain(s): Patryck Froissart
La vie, tisserande d’une toile en continu, laisse-t-elle une chance de s’en sortir quand il est impossible de s’en échapper sinon avec la fin connue de tous : « le talent tors/ la pensée torve/
tisserands retors que nous sommes/ retorsadons le fil de haine/ lançons au travers de nos trames/nos navettes dans les foulées/tordues de nos tortueux consorts » ?
On comprend que dans cette Arnitoile (le mot veut dire toile d’araignée en wallon), les mots eux-mêmes et les allitérations sont pris au piège du son « fa si la » évoqué à plusieurs reprises : « porte à faux/ ce bois dévergondé divorçant du chambranle/ sur la fugue infinie des unions dégondées/ branle et bat et m’obsède/ fa si la ».
Cette volupté de mots saisissants à bien des égards m’a fait penser à Gérard de Nerval (précurseur du surréalisme) donnant aux mots un sens à la fois profond et obscur.
De plus la manière d’accéder rapidement à n’importe quelle partie du texte fait penser à l’esprit du « codex », une sorte de codicologie semblant, en effet, relier les différents tissages de cette toile où s’emprisonne, progressivement, une idée majeure de laquelle il n’est pas possible de s’affranchir quand « sur le plancher fuyant du radeau chimérique/ hargneuse la galerne a cinglé leurs espoirs ».
Cependant moderne, l’auteur dénonce le temps présent : « dans les lacis s’esclaffait l’hyène/naseaux largement réjouis/ aux flatulences des missiles/ qui labouraient les villes/et bourrelaient la plaine ».
Les mots sont ainsi filés à la limite de la sclérose quand l’auteur dit se dé conjuguer (« défectif je me déconjugue ») à tous les temps tandis que « fa si la » égrène progressivement le temps vers le centre de la toile :
« je fus
tu fus
et cetera
le verbe des vies révolues
selon ce mode et sur ce temps
se décline invariablement »
Patrick Devaux
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