L’Ange déchu, Chris Brookmyre (par Jean-Jacques Bretou)
L’Ange déchu, Chris Brookmyre, mars 2021, trad. anglais (Ecosse) Céline Schwaller, 375 pages, 22 €
Edition: Métailié
Dans un lieu isolé de l’Algarve au Portugal se trouve un groupe de trois maisons semblables mais de dimensions différentes. Deux d’entre elles sont occupées en 2018 par la famille Temple venue en pèlerinage disperser les cendres de celui qui fut longtemps le patriarche de la petite communauté, Max Temple. C’était un chercheur et un professeur de psychologie britannique reconnu ; y compris dans la sphère médiatique, pour sa méthode dé-constructionniste des thèses complotistes. Bretteur redoutable, il mettait à mal derrière le petit écran, pour le plus grand plaisir des spectateurs, les partisans des idées du complot. Ses livres caracolaient en tête des meilleures ventes sur les marchés y compris étrangers. Son épouse, Celia Wilde, avait eu son heure de gloire dans un série télévisée de science-fiction où elle jouait les superwoman à demi-dénudée. Marion, Rory, et Sylvie devenue Ivy Roan à la mort de sa fille Niamh, sont leurs trois enfants. Dans « la maison d’à-côté » logent Vince, un avocat canadien, Kirsten, son épouse, Aaron et Amanda, la jeune baby-sitter chargée de s’occuper de ce dernier.
Tout ce petit monde, en tout cas ceux qui étaient nés, ne s’était pas retrouvé réuni ici depuis 2002, date tragique de la disparition de la fille d’Ivy, Niamh, jamais retrouvée. À cette époque, Max n’avait pas été foudroyé par sa crise cardiaque et pouvait jouer le rôle de pater familias de la maison Temple, les adultes étaient encore des enfants ou des adolescents.
La famille Temple semble goûter le bonheur de se retrouver ensemble autour de la piscine en attendant l’arrivée de Vince, de l’« autre maison », retardé pour des raisons professionnelles.
Tout ce bel équilibre va commencer à se fendiller à partir du moment où à la place de la voiture de Vince, on va voir arriver la voiture de la police venue pour annoncer la mort brutale de Vince. L’heure des comptes va sonner, chacun va finir par révéler son vrai visage, et l’« ange », un titre peut-être mal choisi pour Max, sera déchu.
C’est un livre habilement construit sur deux intervalles temporels : 2002, date de la mort du bébé et, 2018, date de la dispersion des cendres. Les personnages y sont bien campés, les apparences font place petit à petit à une réalité bien sombre qui avait été habilement occultée et tue pour que la famille semble soudée autour de Max et de son épouse. C’est un thriller psychologique dont la noirceur n’a d’égale que la puissance narrative de la prose. Les mots complot et conspiration peuvent y trouver tout leur sens. Un très bon polar.
Jean-Jacques Bretou
Chris Brookmyre est né à Glasgow en 1968. Ses romans sont un mélange de comédie, de politique, de critique sociale et d’action, le tout soutenu par une puissante force narrative. Il est l’un des auteurs du mouvement littéraire Tartan noir. Parmi ses précédents thrillers publiés aux Editions Métailié : Sombre avec moi (Prix McIlvanney du polar écossais) ; Les Ombres de la toile.
- Vu : 1559