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L’amour simplement, Nane Beauregard

Ecrit par Léon-Marc Levy 14.01.16 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Joelle Losfeld, Récits

L’amour simplement, décembre 2015. 201 p. 17 €

Ecrivain(s): Nane Beauregard Edition: Joelle Losfeld

L’amour simplement, Nane Beauregard

 

Parler d’amour n’est pas une sinécure. Ecrire l’amour c’est pire encore. Quant à écrire l’amour conjugal c’est carrément de l’inconscience. Comment ne pas sombrer très vite dans le sentimentalisme, la psychologie à deux sous, le gémissement, l’érotisme du dimanche, le moralisme, les états d’âme ? Sans se poser la question, Nane Beauregard le fait et évite tous les écueils susdits. Avec légèreté, vivacité, intelligence et un humour de chaque instant, la narratrice de ce livre (l’auteure ?) évoque son mari, sa vie conjugale, les choses de la vie.

Aucun état d’âme. Juste des instantanés, des toutes petites tranches de vie, dans lesquelles elle observe son compagnon et, à travers lui, elle s’observe et s’étonne elle-même. L’étonnement est d’ailleurs le maître mot de ce petit (quoi ? Roman ? Nouvelle ?) recueil, sorte de dictionnaire de la vie conjugale. Il faut dire que le mari de la narratrice est étonnant, et qu’ainsi il lui facilite grandement la tâche. Il est drôle, inattendu, philosophe, décalé, attachant. En un mot, séduisant. Evidemment, ce qui nous retient en lui est exactement se dont se nourrit l’amour de « Nane » pour lui. Il est séduisant dans ses bons moments (nombreux) aussi bien que dans ses mauvais (occasionnels). Même ses défauts contribuent à tisser le lien profond du couple. Elle est agacée, parfois furieuse, mais toujours séduite. Qu’on en juge (il est difficile de résister à l’envie de partager un petit bout de ce plaisir) :

« Sieste

Il considère que la sieste est une perte de temps et comme il pense que ce qui est bon pour lui est bon pour moi, chaque fois qu’il le peut il s’arrange pour m’en dissuader. Il a pour ça une sorte d’instinct qui le prévient du moment précis où je suis sur le point de m’assoupir pour arriver dans la chambre et s’allonger à côté de moi en s’agitant dans tous les sens ou en feuilletant le plus bruyamment possible un journal, alors qu’en temps normal il en lit très peu sur papier, ou en écoutant de la musique avec un casque sur ses oreilles mais tellement fort que je ne peux pas ne pas l’entendre, et quand je lui demande d’arrêter, je suis tellement en colère contre lui que de toute façon il m’est impossible de me rendormir après. C’est – ce moment-là qu’il quitte généralement la pièce, le sentiment d’une sorte d’obscur devoir accompli. »

 

Jamais la narratrice n’évoque ses sentiments personnels, tout au plus quelques affects (agacement, colère, plaisir, amusement) et c’est là la force de son livre. On est à mille lieues de la « maladie française » du décorticage des sentiments, de l’auto-narration, du narcissisme littéraire (ou cinématographique). Il y a quelque chose de très new-yorkais dans cette écriture et surtout dans cette manière unique de tourner en dérision les petits travers de soi, et de l’autre. Très new-yorkais aussi l’humour du mari (en fait très « New Yorker » du nom du célèbre magazine) :

 

« Vacances

Il dit que cette année, les vacances vont passer très vite, entre ses trente kilomètres de vélo par jour, ses montages de films, ses recherches et son travail sur Internet, il ne va pas voir le temps passer. Je lui demande alors qu’il a prévu de s’occuper de sa femme, il marque un léger temps d’arrêt et me répond : « Ah oui ! Il y a ça aussi ! » »

 

Vous ne résisterez pas au charme de monsieur. Vous ne résisterez pas non plus à la fraîcheur, l’optimisme et la drôlerie de madame. Un vrai petit bonheur, conjugal et littéraire !

 

Léon-Marc Levy

 

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NB : Vous verrez souvent apparaître une cotation de Valeur Littéraire des livres critiqués. Il ne s’agit en aucun cas d’une notation de qualité ou d’intérêt du livre mais de l’évaluation de sa position au regard de l’histoire de la littérature.

Cette cotation est attribuée par le rédacteur / la rédactrice de la critique ou par le comité de rédaction.

Notre cotation :

VL1 : faible Valeur Littéraire

VL2 : modeste VL

VL3 : assez haute VL

VL4 : haute VL

VL5 : très haute VL

VL6 : Classiques éternels (anciens ou actuels)


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A propos de l'écrivain

Nane Beauregard

 

Nane Beauregard vit et travaille à Paris. Elle a publié un roman, « J'aime » chez POL en 2006 puis « La Manouba », chez Leo Scheer en 2012.

 

A propos du rédacteur

Léon-Marc Levy

 

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Directeur du Magazine

Agrégé de Lettres Modernes

Maître en philosophie

Auteur de "USA 1" aux éditions de Londres

Domaines : anglo-saxon, italien, israélien

Genres : romans, nouvelles, essais

Maisons d’édition préférées : La Pléiade Gallimard / Folio Gallimard / Le Livre de poche / Zulma / Points / Actes Sud /