L’Amertume du triomphe, Ignacio Sánchez Mejías
L’Amertume du triomphe, avril 2017, trad. espagnol Dominique Blanc, 96 pages, 13 €
Ecrivain(s): Ignacio Sánchez Mejías Edition: Verdier
Etonnant.
Voici que le torero mythifié par Federico Garcia Lorca – qui serait lui-même assassiné le 19 août 1936 par les milices franquistes – en son inoubliable et lancinant « Llanto – chant funèbre – por Ignacio Sánchez Mejías », s’incarne littéralement, plus vivant que jamais dans ces – ou plutôt ses – quelques pages.
Il s’agit ici en effet d’un début de roman, manuscrit déniché dans une malle de famille par Andrès Amoros lors des investigations préalables à sa propre biographie du matador publiée en 1998. Ce texte retrouvé, aux qualités réelles – nous y reviendrons –, révèle une facette des talents de celui dont la courte et belle préface de Jean-Michel Mariou retrace la trop brève existence et toute la personnalité. Encorné à Manzanares le 11 août 1934, « à cinq heures du soir » quand « la mort déposa ses œufs dans la blessure », il décèdera deux jours plus tard à Madrid des suites directes de cette gangrène gazeuse mal soignée.
Et nous découvrons au-delà du belluaire qui œuvra dans l’arène avec bravoure et puissance, un Sévillan à la vie sociale multiple : président du Betis (football), mais aussi de la Croix-Rouge, journaliste, comédien, écrivain. En 1927, à 36 ans, ayant connu maints succès et différentes controverses, il s’était retiré des combats. Sept ans après, « s’ennuyant à mourir », sa passion avait été la plus forte. Son retour durerait moins d’un mois…
Dans ces fragments, dont on a pu rétablir neuf chapitres assez brefs, Ignacio campe José Antonio Moreno, simple fils du régisseur d’un grand domaine, qui va lui-même forger son destin de torero « jeune, fort, très adroit, artiste et surtout courageux ». Le monde des corridas, les triomphes et la mélancolie, les élans des aficionados, la versatilité de la presse, la fidélité du valet d’épée et de quelques très rares amis, les tentations féminines et le rêve d’un amour, sont saisis en termes sobres, « de l’intérieur ». Car Ignacio Sánchez Mejías, qui en donna une première lecture en 1925 à Valladolid, était donc en plein cœur de l’action lorsqu’il fixa cet univers taurin avec une authenticité évidente. Il revenait aux Editions Verdier de lui avoir fait tout sa place dans leur collection de référence, « Faenas ».
Jean Durry
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