Jours obscurs, Jean-Claude Pirotte
Jours obscurs, janvier 2017, 192 pages, 18 €
Ecrivain(s): Jean-Claude Pirotte Edition: Le Cherche-Midi
Le dernier volume de poésies de Pirotte est un livre copieux, rassemblant près de cent quatre-vingts poèmes, versifiés, souvent rimés, classiques par certains côtés, très libres d’inspiration. Huitains, dizains, douzains, dans une belle alternance, souvent en hommage ou en écho de poètes aimés (Perros, Follain, Supervielle, Venaille, Lubin…).
Écrits pour la plupart en 2011, à la période des déménagements (La Panne, Beurnevésin), ces poèmes s’immiscent dans les terroirs chers au poète : l’enfance, le village, la mère, les rues de bleds paumés, coupés du monde, les rites du soir, les livres chéris.
Certains, ouvertement, se rattachent à l’école de Follain et aux descriptions insolites de la quotidienneté :
j’ai fourré des morceaux de vie
qui sentent la pomme et l’oubli
…
déjà d’amers souvenirs
le chemin de l’école
fait un coude au bord du pré
où survit l’épouvantail
D’autres encore, sans jamais le citer, me font penser au travail remarquable d’un Henri Falaise, bien oublié aujourd’hui (en dépit de ses Beaux miracles), par leur scansion et les images.
Au jardin des rengaines qui entêtent, des vieilles chansons des bourgs se mêlent les notations endeuillées et mélancoliques d’une âme qui sent venir la mort, celle de lui-même et des choses dépareillées de la vie. Le jadis alors prédomine et le poète se sent « enseveli » par une neige permanente, été comme hiver.
jours obscurs la lampe éclaire
à peine le livre ouvert
là-bas la mer se déchaîne
on l’entend de la soupente
…
n’attends pas la fin du monde
elle aura lieu assez tôt
Mais tout n’est pas perdu : le poète sait créer des greniers pour l’enfance qui en veut, pour l’enfant qui recherche un « cheval de bois » pour le mener très loin des jours obscurs.
L’intensité de ces textes, parfois à l’allure enfantine de comptines et de charades, laisse intacts dans l’esprit du lecteur le grand air poétique, les « signes de vie », du « temps pour un détour ». Avec Pirotte, les chemins sont singuliers et ouverts.
Philippe Leuckx
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