Joseph, Un jeune Hébreu devenu vice-roi d’Égypte, Maurice-Ruben Hayoun (par Gilles Banderier)
Joseph, Un jeune Hébreu devenu vice-roi d’Égypte, Maurice-Ruben Hayoun, 2018, 256 pages, 25 €
Edition: HermannMaurice-Ruben Hayoun est professeur de philosophie, mais son livre sur Joseph n’illustre pas cette spécialité universitaire. Il s’agit d’un ouvrage au carrefour de l’exégèse et de ces études de littérature comparée qui examinent la survie (Nachleben) d’un personnage ou d’un mythe à travers les siècles. Louise Vinge et Raymond Trousson ont ainsi publié des sommes érudites sur Narcisse et Prométhée. La vie de Joseph est racontée dans Genèse/Berechit 37 à 50 et le livre se clôt avec sa mort, de même que le Deutéronome/Devarim s’achève à la mort de Moïse.
M.-R. Hayoun part, avec raison, d’un constat qui est souvent négligé : les textes de la Bible sont de grands textes au point de vue « littéraire », par leur sens de la narration et de la construction, indépendamment du fait qu’on y accorde foi ou non. Joseph a vécu l’essentiel de son existence ailleurs que sur la terre de ses pères, en Égypte, la grande puissance de la région, les États-Unis de l’époque, mentionnée à mille cinq cents reprises dans la Bible, une civilisation brillante, monumentale et hantée par la mort, une civilisation à côté de laquelle les Hébreux paraissaient à tous points de vue insignifiants.
Or, contre toute raison humaine, contre toute logique mathématique ou historique, ces derniers ont survécu à l’empire des pharaons. Le fait est bien connu : des millions de voyageurs ont admiré les réalisations architecturales de l’ancienne Égypte, alors que les vestiges matériels du peuple hébreu se réduisent à peu de chose.
L’histoire de Joseph possède toutes les allures d’un conte oriental, mais elle recèle également une évidente leçon politique. Si l’Égypte abritait un panthéon foisonnant, auquel le monothéisme juif ne pouvait que se heurter, elle offrait également le spectacle d’un État parfaitement organisé, suivant une structure pyramidale (l’épithète est irrésistible) dont le sommet était occupé par le pharaon ; un État auquel le peuple juif refusa cependant de s’assimiler. L’inhumation de Joseph en terre d’Égypte ne fut que provisoire et Moïse se chargea de le ramener en Terre sainte (Ex 13, 19 ; Jos 24, 32). L’exégèse chrétienne verra en Joseph une préfiguration du Christ, tandis que le Coran adaptera l’histoire à la mode islamique. Le livre de Maurice-Ruben Hayoun s’achève sur un chapitre consacré à Joseph dans la littérature allemande, de Goethe à Thomas Mann. Un appendice ressuscite un fragment d’Atlantide engloutie (même si on sait que Maïmonide a composé une grande partie de son œuvre en arabe), avec la traduction d’un conte populaire judéo-arabe (qasida) relatif à Joseph.
Gilles Banderier
Historien des idées, philosophe et exégète, Maurice-Ruben Hayoun est professeur à l’université de Strasbourg.
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