Identification

Josée Meunier, 19, rue des Juifs, Michèle Audin (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret 09.04.21 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Josée Meunier, 19, rue des Juifs, mars 2021, 194 pages, 17 €

Ecrivain(s): Michèle Audin

Josée Meunier, 19, rue des Juifs, Michèle Audin (par Stéphane Bret)

 

Dans l’un de ses précédents romans, Comme une rivière bleue, Michèle Audin avait décrit la Commune de Paris à partir des quartiers de Paris où celle-ci avait connu les activités et faits les plus marquants et significatifs ; elle avait restitué l’histoire à hauteur des destinées individuelles, obscures, celles des sans-grades.

Dans Josée Meunier, 19 rue des Juifs, l’auteure reprend ce mode de récit en le circonscrivant à un immeuble, celui du 19 rue des Juifs, situé dans le quatrième arrondissement de Paris. Elle prend pour point de départ une perquisition menée par un certain Victor Berlioz, commissaire de police de son état : il ressort quelque peu bredouille de sa descente de police, il n’a pu, en effet, cueillir des suspects et n’a recensé qu’une concierge, Madeleine, un coiffeur, Mlle Georgette, couturière, Madame Dubois, une ouvrière en cartonnages.

Pourtant, l’immeuble du 19 rue des Juifs fut le lieu d’où s’échappèrent Josée Meunier et d’autres membres de sa famille pour rejoindre en exil à Londres Albert Theisz, bronzier et ardent partisan de La Commune.

A travers une correspondance entre les membres de la famille de Josée restés à Paris et cette dernière, Michèle Audin fait ressentir les nostalgies et douleurs des Communards vaincus, coupés de leurs racines, peinant à amortir le choc de la répression des Versaillais contre La Commune. Les nouvelles les plus anodines coexistent avec celles de la grande histoire : « On recommence ici à mourir comme avant les massacres de mai. Plus de coups de chassepot ou de mitrailleuse. Nous avons eu des accidents de charrette une femme de la rue des Rosiers qui s’est jetée dans la Seine parce que son mari est emprisonné sur un ponton dans la rade de Brest (…) Nous ne savons rien de la petite madeleine Alary qui est partie il y a deux mois. Etienne a été condamné à la déportation ».

Les descriptions des relations entre Communards exilés ne sont toutefois pas empreintes d’une excessive complaisance. Ainsi, Michèle Audin pointe-elle les reproches que se font ces personnes entre elles : qui était la plus révolutionnaire, la plus lucide ? Un trait d’humour est restitué : c’est le récit des noces du journaliste Charles Longuet à Londres, qui célèbre ses noces avec la fille de Karl Marx, ni plus ni moins…

Michèle Audin parvient à nous restituer les espoirs de ces personnages, leurs craintes, leur foi en l’utopie. Ecrit à l’occasion du cent cinquantième anniversaire de La Commune, Josée Meunier, 19 rue des Juifs contribuera, sans nul doute, à donner à La Commune cette dimension fictionnelle et romanesque ; on s’attache à ce groupe, leurs vies prennent toutes leurs significations à la lumière de l’impact de la Commune, comme tentative de libération humaine.

 

Stéphane Bret

 

Michèle Audin, mathématicienne et écrivaine, a publié dans l’Arbalète : Une vie brève (2013, Folio), Cent vingt et un jours (2014) et Mademoiselle Haas (2016), et Josée Meunier,19 rue des Juifs est sa dernière publication.

  • Vu : 1627

Réseaux Sociaux

A propos de l'écrivain

Michèle Audin

 

Michèle Audin est une mathématicienne française, professeur à l'Institut de recherche mathématique avancée (IRMA) de Strasbourg, qui travaille notamment dans le domaine de la géométrie symplectique. Née en 1954, elle est ancienne élève de l'École normale supérieure (Sèvres), et a été cooptée à l'Oulipo en 2009.

Elle est la fille du mathématicien Maurice Audin, mort, vraisemblablement sous la torture, en 1957 en Algérie, après avoir été arrêté par les parachutistes du général Massu. Le 1er janvier 2009, elle a refusé la Légion d'honneur, en raison du refus du président de la République, Nicolas Sarkozy, de répondre à une lettre de sa mère à propos de la disparition de son père.

 

A propos du rédacteur

Stéphane Bret

 

Tous les articles de Stéphane Bret

 

63 ans, réside actuellement à Boulogne-Billancourt, et s’intéresse de longue date à beaucoup  de domaines de la vie culturelle, dont bien sûr la littérature.

Auteurs favoris : Virginia Woolf, Thomas Mann, Joseph Conrad, William Faulkner, Aragon, Drieu La Rochelle, et bien d’autres impossibles à mentionner intégralement.

Centres d’intérêt : Littérature, cinéma, théâtre, expositions (peintures, photographies), voyages.

Orientations : la réhabilitation du rôle du savoir comme vecteur d’émancipation, de la culture vraiment générale pour l’exercice du libre arbitre, la perpétuation de l’esprit critique comme source de liberté authentique."

 

REFERENCES EDITORIALES :

Quatre livres publiés :

POUR DES MILLIONS DE VOIX -EDITIONS MON PETIT EDITEUR 
LE VIADUC DE LA VIOLENCE -EDITIONS EDILIVRE A PARIS
AMERE MATURITE -EDITIONS DEDICACES 
L'EMBELLIE - EDITIONS EDILIVRE A PARIS