Johannesburg, Fiona Melrose (par Stéphane Bret)
Johannesburg, Fiona Melrose, traduit de l'anglais par Cécile Arnaud, janvier 2020, 320 p. 22 €
Edition: Quai Voltaire (La Table Ronde)
Fiona Melrose signe ici un roman qui n’est pas, contrairement à d’autres auteurs sud-africains, un regard sur l’histoire de leur pays, mais bien plutôt une chronique sur sa ville natale : Johannesburg. Pourtant, cette évocation de la cité du travail du diamant, de l’or, traverse le temps, avec des retours en arrière. Le plan du roman suit les étapes d’une journée : le matin, l’après-midi, le soir, clin d’œil assumé de l’auteure à Virginia Woolf et à son roman : Mrs Dalloway, construit de la même façon.
Gin, l’héroïne principale, a prévu de visiter sa mère à Johannesburg le 6 décembre 2013, pour fêter ses quatre-vingts ans. Elle sera aidée de Mercy, employée de maison au domicile de sa maman. La cité de l’or s’éveille en apprenant le décès de Nelson Mandela, Madiba, le père de la nation arc-en-ciel. Ce n’est donc pas un simple retour que Gin va vivre, mais un passage en revue de ses souvenirs, impressions d’enfance, une élaboration d’un bilan provisoire de sa vie à ciel ouvert. Mais qu’était Johannesburg ? A l’époque où elle y vivait encore, avant de s’expatrier à New-York, elle la ressentait comme une source d’agression :
« Johannesburg était la grande prêtresse de l’agitation permanente. Elle était bâtie sur l’or. Ce serait toujours une ville frontière, une ville pionnière (…) C’était toujours pareil. L’assaut d’exigences. »
Gin se demande ce qui fonde la conservation du souvenir. Une réponse inattendue est fournie par sa mère, qui évoque leur maison familiale, plus exiguë que la sienne : « Gin l’accusait d’être trop nostalgique de la vieille maison (…) Gin accusait Neve de refuser tout souvenir désagréable. D’accord, mais comment survivre autrement ? »
Gin se souvient, aussi, de Peter Strauss, cet étudiant amoureux d’elle et qui lui fait prendre conscience, lors du début de leur flirt, de sa condition de femme :la transformation en simple objet de désir. Ce qui met en évidence les fils conducteurs de sa vie : « Une sorte de quête sacrée pour retrouver l’intégrité de la personne qu’elle était auparavant. »
Le roman de Fiona Melrose est une radiographie ; celle de certains personnages comme September, ce mendiant qui assiège une compagnie de mine d’or pour demander réparation à propos d’une fusillade survenue lors d’une grève, est une allusion à l’Afrique du Sud d’avant, celle de l’Apartheid, des conflits sociaux réglés dans le sang ; c’est aussi une fine évocation des états d’âme par lesquels passe une personne humaine. L’hommage à Virginia Woolf est à la hauteur de la promesse de l’auteure : il est pleinement rendu par la puissance évocatrice des descriptions contenues dans ce roman.
Stéphane Bret
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