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Jeux II - Contrepoint rétrograde (par Charles Orlac)

Ecrit par Charles Orlac 12.11.19 dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

Jeux II - Contrepoint rétrograde (par Charles Orlac)

 

II-Contrepoint rétrograde

 

Je lis un livre

Tu livres un lit

Je porte un masque

Tu masques une porte

Je bois une coupe

Tu coupes du bois

Je vois mon père

Tu perds ta voix

Je vends des tombes

Tu tombes sous le vent

Je perds le temps

Toi tu tempères

Je compte les secondes

Tu secondes le Comte

J’ai pris le cachet

Dont tu cachais le prix

Je joue la montre

Tu montres la joue

 

III-Thème et variations

 

1. Propos sans fin

Promesse tenue d’une messe à minuit, prologue tous les soirs à de noires danses sabbatiques

– Blanche fiction de la nuit

Profane épanoui dans un hôtel de passe, en résidence et pour longtemps

– Noire fiction du jour

Propos à fleur de peau. Au sol, pétales qui détalent. Dans la tête, un dernier coup de pédale.

– Friction des tours de roues, du vélo entêté de ton crâne

Profusion d’armes nucléaires que la science a permise

– Noire fission de l’atome. Réussie.

Propreté âpre nettoyage et dure procédure

– Éviction des jungles urbaines. Devant la mer, cette fois c’est une autre paire de manches. Une terre en face, une terre ici mais aucune terre d’asile, aucun pays d’accueil.

Prochain et prochaine enchaînés l’un à l’autre en instance de divorce.

Prostituée morte d’un amour assassin

Prolixe en effet ce jeu le devient. La liste est trop longue des mots commençant par la syllabe « pro ».

C’est donc avec à-propos que s’achève ici ce thème et variations

 

2. Que fait-il ?

Il fait jour

Il fait nuit

Il fait froid

il fait soleil

Mais il ne fait pas neige

Il ne fait pas vent

Non ça ne se dit pas

Pas encore

 

Mais si l’on peut dire « il fait gris »

Pourquoi,

Ne pourrait-on pas dire « il fait bleu » ?

 

S’il fait soleil, il peut faire pluie ?

S’il fait jour, il peut faire matin ?

Comme il fait nuit, il pourrait faire soir !

 

Il fait clair, mais il ne fait jamais lumineux,

Il fait beau, mais jamais triste ou laid !

S’il fait doux le matin il pourrait faire dur le soir !

 

Mais non, ça ne se dit pas. Pas encore.

 

Ces propos peuvent sembler enfantins ; ils le sont.

Comme les mots de cette fillette de trois ans,

l’autre jour dans le train

qui, au sortir d’un tunnel, regardant par la vitre,

dit en toute logique à sa maman

– « Regarde maman il ne fait plus nuit,

mais il fait pluie maintenant ».

 

Charles Bruno Orlac


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A propos du rédacteur

Charles Orlac

 

Charles Orlac, né en Italie en 1953, a vécu sa jeunesse dans le sud de la France avant de s’installer à Paris en 1980. Agrégé de musique et diplômé d’une maîtrise d’italien, il partage son temps entre l’enseignement, son activité de musicien et l’écriture. Son recueil de poésie, Vie d’origami et autres pliages, est paru chez Edilivre en septembre 2016. Quelques-uns de ses textes ont été publiés dans diverses revues de poésie comme Le Capital des Mots, Lichen, Recours au poème.

https://www.edilivre.com