Jerusalem, Justine Augier
Jerusalem, Mai 2013, 164 p. 18 €
Ecrivain(s): Justine Augier Edition: Actes Sud
Il est toujours périlleux de confronter des points de vue portant sur des sujets d’une actualité brûlante. C’est le cas du conflit israélo-palestinien, et de la ville de Jérusalem, de son statut territorial et politique qui cristallise si aisément les passions. Justine Augier, qui a vécu cinq ans dans cette ville, échappe à cet écueil dans son dernier ouvrage intitulé justement : « Jérusalem ». Elle évoque, à travers les récits de quatre personnages nommés chacun par une initiale, E. ; S., N. ; O. ; des aspects de la vie dans la ville, des périodes de l’histoire de cette région, la Palestine et l’état d’Israël, qui, toutes, prêtent à controverse, ou sont largement emblématiques de l’état du conflit proche-oriental.
Pour accentuer l’effet de distanciation, de regard critique, ou peut-être de mise en perspective, Justine Augier ajoute des citations d’écrivains, certains issus de la région, comme Amos Oz, Aaron Appelfeld, ou encore Mahmoud Darwich, Elias Sanbar. Tout y est traité : l’évolution de l’état hébreu, la situation de la ville de Jérusalem, avant et après la guerre des Six Jours, la persistance de la guerre dans l’histoire israélienne, un certain conformisme conduisant à l’uniformité des conduites en Israël.
On écoute ces personnages dévoiler leur part de vérité car elle ne submerge jamais ni n’anéantit celles de leurs interlocuteurs de « l’autre bord ». Les Palestiniens répondent aux Israéliens, en s’autocritiquant, en dévoilant au grand jour leurs fractures respectives. La nostalgie est présente, bien sûr ; celle de la patrie perdue après la Nakba, terme utilisé par les Palestiniens pour désigner les conséquences de la partition de 1948. Un autre interlocuteur évoque la disparition des idéaux fondateurs de l’Etat d’Israël. Il n’y a jamais de simplification réductrice, de caricature des points de vue en présence. Ce concours simultané de la littérature, du souvenir, de la pluralité des mémoires, atteint son but : il stimule notre réflexion, nous incite à bannir tout jugement par trop définitif sur ce conflit. On recommandera la lecture de ce récit pour entretenir cette démarche d’écoute et de reflets des visions de l’histoire.
Stéphane Bret
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