Jacob, Jacob, Valérie Zenatti
Jacob, Jacob, août 2014, 168 pages, 16 €
Ecrivain(s): Valérie Zenatti Edition: L'Olivier (Seuil)
Jacob Melki est un jeune juif de Constantine. Nous sommes en 1944 et la France a besoin de soldats pour achever la libération de la France en cette avant-dernière année de guerre. Jacob, pour sa part, rêve d’amour, en particulier avec Lucette qui lui rappelle qu’il va bientôt partir à l’armée. Il se souvient de ses premières impressions, de la séduction produite sur Lucette, dans les files d’attente des marchands de glace…
Nous sommes dans l’Algérie de la Seconde Guerre Mondiale, pays qui a retiré la citoyenneté française aux Juifs d’Algérie pendant le régime de Vichy, mais cherche à présent des recrues.
A la caserne de recrutement de l’armée, Jacob aperçoit des camarades du lycée d’Aumale. Les recrues s’appellent Melki, Bonnin, Ouabedssalam, Attali, Haddad, représentants des différentes communautés de l’Algérie d’alors. Pourtant, la fraternité d’armes ne s’impose guère d’évidence, à tel point que l’un des enrôlés, Haddad, a sauté par-dessus bord, tandis que le navire qui les emmenait sortait de la baie d’Alger…
Ils découvrent dans l’armée les premières humiliations, les premières peurs, l’inutilité ce que leur instituteur leur avait appris, leur sergent-chef préfère ainsi « les soldats qui truffent leurs phrases de fautes, sauf ceux qui sont musulmans et qu’il appelle des bougnoules, eux il les corrige en éclatant de rire, les affuble de surnoms qui le ravissent, Fatima, Bourricot, Bab El Oued ».
Au cours des combats en France, durant la libération de l’Alsace, Jacob est initié à l’amour par Louise. Cette relation amoureuse lui apporte un soutien moral décisif durant cette guerre, durant laquelle il va être témoin de la mort de certains de ses compagnons d’armes, parmi lesquels Bonnin. Le personnage de Jacob ne se pose pas de questions, il est emporté par l’Histoire, par son arbitraire, sa cruauté. L’auteure indique à la fin du récit ses origines familiales : « Jacob avait dû la vie au mariage arrangé entre Rachel et Haïm, le 17 octobre 1906, dans l’arrondissement de Guemla, commune de Tébessa ». On y dévoile la consistance profonde de Jacob : « Jacob était fait de ces mots transmis de génération en génération, prières, bénédictions, exclamations, il était fait aussi des silences si nombreux autour de l’amour, de la mort ».
Beau roman, qui nous fait toucher du doigt la condition de ces gens simples décrits dans le récit, pris dans les méandres cruels de l’Histoire, dévoreuse de destins.
Stéphane Bret
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