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Interview Caroline Riegel : « j’étais la seule à pouvoir le faire », par Michel Tagne Foko

Ecrit par Michel Tagne Foko 28.02.17 dans La Une CED, Entretiens, Les Dossiers

Interview Caroline Riegel : « j’étais la seule à pouvoir le faire », par Michel Tagne Foko

Nous recevons aujourd’hui une femme au grand cœur, humaniste et globe-trotteur, écrivain aux multiples récompenses, et aujourd’hui réalisatrice d’un premier documentaire aux multiples distinctions, appelé Semeuses de Joie. Le film a obtenu, entre autres, le Prix spécial Ushuaïa TV, Diable d’or 2016 au festival international du film alpin des Diablerets, Grand Prix du Jury au festival Retours du Monde, Grand Prix du public au festival Regards D’altitudes, Prix du public au FIFMA 2015, etc.

 

Michel Tagne Foko : Qu’est-ce qu’on ressent quand son premier documentaire reçoit de nombreux prix ?

 

Caroline Riegel : Beaucoup de joie, un peu de fierté et le sentiment d’être encouragée. Mais c’est surtout les réactions du public, les échanges lors des nombreuses conférences, les relations qui en découlent, les mots des spectateurs et la joie partagée avec les nonnes lorsqu’elles étaient en France qui ont été une incroyable récompense aux efforts et à l’énergie inimaginable déployée pour aller au bout de ce rêve un peu fou.

Parlez-nous un peu du film « Semeuses de joie »

 

Semeuses de Joie raconte la promesse tenue à des nonnes bouddhistes de la vallée du Zanskar, dans l’Himalaya indien, promesse d’emmener ces femmes qui n’ont guère reçu d’enseignement, fut-il laïque ou religieux, découvrir leur vaste pays l’Inde. La plupart n’avaient jamais quitté leur vallée perchée à plus de 3500 m entre le Tibet et le Kashmir. Il raconte aussi une incroyable amitié qui a débuté durant l’hiver 2004-2005 au cœur d’un long périple à travers l’Asie : celle de la réalisatrice qui filme en caméra subjective avec ces nonnes d’un autre temps, gardiennes d’une culture ancestrale et d’une joyeuse sagesse.

 

Pourquoi ce film ?

 

Parce que c’est le seul outil de mémoire au langage universel, outil qui devait aussi bien être utile ici chez moi, que là-bas, au Zanskar, pays de mes amies. Parce que c’était pour moi une belle occasion de rendre hommage à des femmes remarquables, dont la joie, la générosité et le sens de l’harmonie m’ont profondément bouleversée. C’est un premier film, je n’avais aucune expérience en la matière, mais ce sentiment fort que faire ce documentaire avait un sens honnête et que j’étais la seule à pouvoir le faire pour partager sans l’altérer l’intimité de ces femmes.

 

Qui est réellement Caroline Riegel ?

 

Je ne sais pas bien… Une femme aux semelles de vent, une citoyenne du monde à mille et une vies, éprise de liberté, foncièrement indépendante, mais pas solitaire pour un sou, une personne à l’énergie un peu débordante, à qui l’ennui ne sied guère et qui n’a de cesse de vouloir comprendre pourquoi le monde n’est pas tout simplement plus juste.

 

Parlez-nous un peu de vos livres « Soifs d’Orient » et « Méandres d’Asie Du Baïkal au Bengale », publiés chez Phébus éditions

 

Ce récit en 2 tomes raconte mon voyage initiatique de 2 ans à travers l’Asie, seule, du lac Baïkal au golfe du Bengale, au fil de l’eau. Il s’agit d’un voyage aux confins de contrées où l’homme vit et subit encore les « caprices » de l’eau. J’ai souhaité m’adapter au plus près des populations locales (lac Baïkal, désert de Gobi, KunLun, Hiver himalayen, Gange, Mousson, Bangladesh) et traverser ces régions avec les moyens de déplacement locaux (chevaux, âne, chameau, bicyclette indienne, bateaux…). En parallèle de ma découverte de terrain, j’ai rencontré des scientifiques, des glaciologues, des chercheurs, des ingénieurs, des entrepreneurs, tous travaillant autour de l’eau dans les régions traversées. C’est au cœur de ce voyage que j’ai vécu mon premier hiver himalayen au Zanskar et rencontré les nonnes de Tungri, protagonistes du film Semeuses de Joie. Ces livres ont reçu plusieurs prix et m’ont amenée à donner de nombreuses conférences aussi bien dans le domaine de la littérature, du voyage ou de la science.

 

Parlez-nous un peu de l’association Thigspa

 

Au départ, l’association est née de l’envie de pouvoir utiliser les bénéfices éventuels du film pour la nonnerie. C’était sans compter que faire le film a été beaucoup plus compliqué, long et coûteux qu’imaginé. C’était sans savoir également qu’une école ouvrirait ses portes à la nonnerie alors même que nous étions en voyage. Au retour de notre voyage en Inde, le manque de place, d’infrastructures et d’espace dédié à l’enseignement était tellement fort à la nonnerie, que je me suis lancée dans le projet de construction de l’école. Avoir réussi à faire un film en parallèle de ce projet d’école, et plus en amont, avoir réalisé un voyage qui coïncide avec l’ouverture d’une école, seule promesse d’avenir pour la nonnerie, relève presque du miracle. Porter avec ce film l’avenir et les projets de la nonnerie a de fait donné bien plus de sens au film.

Au final, de nombreux spectateurs et amis nous ont soutenus au su du projet de construction d’école, au vu du film, et suite à leur rencontre avec les nonnes. J’ai beaucoup de chance et de joie d’être entourée de personnes qui ont contribué à faire de ce film une si belle aventure, à commencer par ma productrice, Ariane Le Couteur ; également Amandine Lepers, jeune et talentueuse architecte pour la construction de l’école à la nonnerie, certains amis très proches enfin. Les nombreuses projections et conférences données m’ont également permis de vendre des cartes, des photographies, des affiches, ainsi que mes livres, et tous les bénéfices vont intégralement à l’association. Grâce à ce film, et de manière inattendue, nous récoltons finalement de nombreuses gouttes et pouvons œuvrer à construire un avenir à la nonnerie et pérenniser une dynamique remarquable avec les villageois.

 

Serait-il possible de nous parler de l’un de vos plus beaux moments de culture ?

 

Je crois que mes plus beaux moments de culture sont justement cette découverte par-delà les cols, par-delà les horizons d’autres cultures. Une immersion, une adaptation au plus proche d’hommes et de femmes dont l’univers est différent du mien. C’est apprendre à se comprendre par le biais de nos similitudes, pour mieux apprécier nos différences. Car notre plus belle richesse est sans doute la diversité sur tous les fronts, seule garante de notre liberté. Apprendre d’autres langues est à l’instar de cette richesse, de cette nécessité de s’offrir des angles de vue et de pensée différents. Je suis fascinée par ce que chaque langue impose d’exprimer les choses, les ressentis, les pensées ou l’émotion de manière si différente.

 

Comment se procurer le dvd du documentaire ?

 

Il faut m’envoyer un mail : caroline@baikal-bangkok.org

20 € le DVD avec film en français et en anglais, musique, interview, livret et film sur la construction de l’école. 1/3 revient à la nonnerie !

 

Michel Tagne Foko

 


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A propos du rédacteur

Michel Tagne Foko

 

Chroniqueur, écrivain, éditeur. Membre de la société des auteurs du Poitou-Charentes.