Infid'elles, Catherine Van Zeeland
Infid’elles, Editions Avant-propos, mai 2013, 144 pages, 16,95 €
Ecrivain(s): Catherine Van Zeeland
COSI FAN TUTTE
Rien de plus banal : marié à Sophie, André est tombé amoureux de Julie. Infid’elles raconte cette histoire universelle, commune et déchirante. L’auteur, Catherine van Zeeland, qui se cache derrière ses trois personnages tenant la plume à tour de rôle, prévient d’ailleurs : « Tout a été dit et écrit mille fois. Mais pas par moi ».
Sophie n’a plus d’illusions « l’amour c’est l’art de s’exposer à la trahison et le mariage l’art de le faire constamment ». D’ailleurs « les histoires d’amour commencent dans le manoir du Grand Meaulnes et se terminent dans l’impossibilité même de choisir à deux une lampe dans un catalogue Ikea ». On pourrait discuter ce dernier point de vue : quand on s’aime est-ce qu’on achète une lampe Ikea avec une ampoule blafarde qui a des relents de poisson fumé ? Mais c’est assez bien vu.
Pour Julie « l’amour est un magicien qui fait jouer des adultes dans les pièces manquantes du puzzle de leur enfance. Mais c’est si bon ». C’est bon, c’est bien cela le problème. « Tu m’as avoué que tu m’aimais comme si tu avais quinze ans. Et j’avais répondu, tout bas, que moi aussi ».
André a du mal à quitter Sophie. Ce n’est qu’un homme : faible et lâche. « Avant je lui prenais la main. Maintenant je la lui lâchais. Et je crois que c’est pour cela que j’ai décidé d’être odieux ». Et cynique. « Il fallait vraiment que j’apprenne à la haïr pour pouvoir démanteler ce mariage ».
André a du mal à se détacher : il couche avec Julie mais encore aussi avec Sophie, puis il découche. Il aime Julie mais il ne parvient pas à quitter Sophie. « Quitter une femme qu’on a aimée c’est d’abord se quitter soi-même ».
Et c’est sa femme qui décide : « – Je ne te veux plus ni dans mon lit ni dans ma vie. Et je regrette même que tu en aies fait partie ».
Plus que l’amour de Julie naissant, plus que la lâcheté d’André dans laquelle bien des hommes se reconnaîtront, c’est la détresse de Sophie qui nous émeut.
Car dans le dernier chapitre du livre (la soustraction), deux voix se sont tues, celles de Julie et d’André, et elle reste seule « seule comme au cercueil ».
Seule avec ses souvenirs, déconcertée par les séances avec les avocats : « le mien est droit, cultivé et abrupt ; le sien est une femme tout en miel ». « Chez les avocats, tu es tantôt calme et puis tu sautes presque à la gorge de mon conseil (…). Tu te conduis comme si c’était moi qui t’avais quitté ».
Sophie, par la plume de laquelle on a l’impression que c’est Catherine van Zeeland, l’auteur d’Infid’elles qui parle, décrit le déserteur sans fioritures : il apporte encore son linge à laver, oublie les enfants à l’école, ne s’excuse pas et se lamente. Et il présente la nouvelle aux amis qui ne la détestent pas et « prennent un air de compassion quand ils évoquent autour d’une phrase l’ex, c’est-à-dire moi ». Elle finit par se refuser à prononcer le prénom de son mari, pour se guérir de lui.
Tout cela donne une furieuse envie au lecteur au bord du suicide de convoler avec la première nana venue : « Le mariage est une lente acquisition de certitudes pour terminer avec celle qu’il n’en existe aucune ». Car le divorce semble une épreuve pire que le mariage qui « a cela de démoniaque qu’il est confortable ».
Mais Mme van Zeeland, une charmante belge, garde le meilleur pour la fin : « je suis dans l’attente de ce que j’ai aimé en toi. J’attends la transposition de ces glorieux envoûtements dans un autre corps, dans d’autres souvenirs, dans d’autres avenirs ».
Bref, Sophie est prête à recommencer les mêmes errements. L’être humain est incorrigible, Enfin… si c’est pour que Catherine van Zeeland nous écrive un roman aussi fort, il ne reste plus qu’à espérer que le second mari sera pire que le premier.
Fabrice del Dingo
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