Inévitables bifurcations, Lambert Schlechter
Inévitables bifurcations (Le murmure du monde, tome 4), éd. Les doigts dans la prose, mai 2016, 161 pages, 20 €
Ecrivain(s): Lambert Schlechter
La horde sauvage
Lambert Schlechter ose les fantaisies sexuelles tout en se maintenant proche de son « dada », à savoir Dieu. Néanmoins, c’est plus la femme qui fait jouir le texte par la petite mort qu’elle accorde, face à la grande que l’auteur prend soin de retarder. Car si Dieu existe, sa rencontre est à retarder d’autant que l’auteur n’est pas forcément attendu au paradis.
Ce nouveau texte est donc le quatrième temps de l’histoire de ses folies en fragments poétiques. Il y chercha à travers sa culture une énergie par ses remises en scènes et ses réinterprétations en vue de défendre et illustrer ses obsessions. Il fait jouer le présent et le passé, le réel et le virtuel, dans une thématique de la présence la plus proche comme celle à distance au moment où la poésie devient un instrument d’extraction. Toute une appréhension se constitue dans les circuits reliant l’action et l’écriture (qui en est une autre forme) dans un dédoublement spéculaire.
C’est aussi une manière de transporter l’érotisme et le capturer selon d’autres ouvertures qui tiennent plus du tableau que de la fenêtre ou du miroir (même s’il est « à la Vénus »). L’effet est donc majoré par les adjonctions qui recomposent l’espace poétique en fantaisie verbale et combinaisons qui déchirent bien des voiles.
La femme devient un paysage bien plus que mental. Elle prend une autre aura ou persona même si le « je » saisi devient partiellement autre. Le flux vital passe donc par un filtre dont l’artificialité ajoute de nouvelles dimensions scripturales hors de leurs gonds pour donner naissance à un couple représentation/réalité qui acquiert ainsi un surplus d’énergie, d’autonomie et de force de persuasion et d’ironie.
Existe une analogie – à peine forcée – entre le mouvement qui relie les images-souvenirs aux images purement virtuelles qui n’ont pas cessé de se conserver le long du temps d’une part, et celui qui enchaîne, par l’intervention humaine, la série de « modèles » non abstrait et totalement visible parce qu’incluant des actualisations possibles de l’autre. Le dispositif de transport est essentiel. Il s’agit autant d’images présences que d’images mouvements que la poésie prolonge de ses secousses.
Jean-Paul Gavard-Perret
Après Le murmure du monde, La trame des jours, Le Fracas des nuages, Inévitables bifurcations, Lambert Schlechter propose le 4ème temps du cycle qui a pour titre générique celui du premier livre.
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