Il nous est arrivé d’être jeunes, François Bott (par Philippe Leuckx)
Il nous est arrivé d’être jeunes, février 2020, 272 pages, 8,10 €
Ecrivain(s): François Bott Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon
François Bott (1935) parle des autres écrivains avec une gourmandise fine, attisant ainsi la (re)lecture des ouvrages et des écritures qu’il présente. Le titre du livre – tout un programme – dessine avec acuité, mélancolie, ces voix (la plupart) éteintes qui ont pu, su le faire vibrer au plus profond. Il parle si bien de la « petite musique » des Sagan et autre Nucéra.
Il nous est arrivé d’être jeunes recense ses coups de cœur : en une, deux pages, il réussit à brosser l’essentiel d’un style, les constantes d’une œuvre. Ses portraits, ciselés, rappellent, ô combien, le critique insigne du Monde des Livres qu’il dirigea un temps. Il n’empêche que jamais les blasons littéraires ne versent dans un lénifiant qui leur ferait perdre éclat et intensité et surtout vérité profonde des œuvres lues. Sachs était infréquentable, Genet guère reconnaissant, Paulhan garde sa stature d’éminence grise de la rue-Bottin, Sartre se voit honoré pour ses portraits nécrologiques d’amis proches.
Garcin a raison de dire de Bott qu’il y a du Sagan chez lui ; on retrouve chez les deux – et l’auteur de Cajarc a su évoquer ses écrivains de prédilection avec infiniment de talent – ce même goût pour une écriture claire, précise, un brin mélancolique, soucieuse d’une langue classique.
Bott a l’art de consigner avec une économie de moyens les mérites des uns et des autres : Supervielle, Stendhal, Trenet, dans un joyeux mélange, ressortent grandis, parce que, tout de même, naître si loin de sa langue ou s’ennuyer ferme comme consul à trente kilomètres de Rome… sont des actes hautement littéraires qui nous valent de lire ces anciens modernes, ces modernes disparus. Jules, Henry et Charles sont ainsi réactivés par un œil sagace, saganien (saganesque ?) (jamais de coups de griffes léautaudiens !).
Soixante pages sont consacrées à l’excellent Roger Vailland, mort si jeune. L’auteur de La loi se voit ici gratifié d’études qui éclairent son parcours d’écrivain engagé, né dans l’Oise, un jour de 1907. Lycée de province, compagnonnages littéraires, essais en poésie, journalisme et grand reportage, amateur de vie noctambule… Vailland, l’ami de Kessel, le « déluré » de ces dames, l’amateur des « fêtes de Montparnasse, à l’heure hésitante des joueurs de poker » (p.224).
Bott, qui a pour lui une ferveur de tous les instants, décrit au plus menu un parcours riche, qui va de la résistance à l’évocation des Pouilles, en passant par les années hagardes, insaisissables. On sent un même terrain littéraire, un même terreau fait de fête, d’oisiveté heureuse et créative.
Roger mourut à cinquante-sept ans.
Le petit essai que lui consacre Bott rameutera, espérons-le, les lecteurs que Vailland mérite.
Un livre précieux de vagabondages littéraires.
Philippe Leuckx
François Bott, né en 1935, journaliste au Monde des Livres, est l’auteur d’une soixantaine d’ouvrages. Citons : Le dernier tango de Kees Van Dongen ; Un hiver au Vésinet ; Un amour à Waterloo.
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