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Histoire d’un escargot qui découvrit l’importance de la lenteur, Luis Sepúlveda

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) 20.12.14 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Amérique Latine, Contes, Métailié

Histoire d’un escargot qui découvrit l’importance de la lenteur, dessins Joëlle Jolivet, octobre 2014, traduit de l’espagnol (Chili) par Anne-Marie Métailié 96 pages, 12,50 € (existe aussi en ebook, 9,99 €)

Ecrivain(s): Luis Sepulveda Edition: Métailié

Histoire d’un escargot qui découvrit l’importance de la lenteur, Luis Sepúlveda

 

De l’urgence de la lenteur, Il faut retrouver son escargot intérieur !

Luis Sepúlveda est né le 4 octobre 1949 à Ovalle, dans le nord du Chili. Il a reçu, entre autres, le prix de poésie Gabriela Mistral en 1976, le prix Casa de las Americas en 1979, le prix international de Radio-théâtre de la Radio espagnole en 1990, le prix du court-métrage de télévision de TV-Espagne en 1991. Il est en outre le fondateur du Salon du Livre ibéro-américain de Gijón (Espagne) destiné à promouvoir la rencontre entre les auteurs, les éditeurs et les libraires latino-américains et leurs homologues européens.

Cette Histoire d’un escargot qui découvrit l’importance de la lenteur est son deuxième ouvrage publié avec l’illustratrice Joëlle Jolivet, le premier étant Histoire du chat et de la souris qui devinrent amis, une histoire d’animaux encore, tout comme son Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler écrit en 2004 et Le Monde du bout du monde, illustré par Miles Hyman en 1993, tous parus aux éditions Métailié.

L’exil, le voyage, les rencontres, l’engagement sont les éléments indissolublement mêlés à l’histoire de « Rebelle », un escargot qui cherche son nom ainsi que les raisons de sa lenteur. Ce très joli récit malicieux fait suite à une question que Daniel, le petit-fils de l’auteur, posa en observant un escargot dans le jardin de la maison familiale : pourquoi ce gastéropode était-il si lent ?!

Dans ce livre-conte, les escargots qui habitent le Pays de la Dent-de-Lion sous l’acanthe nourricière mènent une vie paisible, lente, silencieuse et lentement silencieuse, jusqu’au moment où l’un d’entre eux découvre la limite de leur espace. Une bande sombre qui se déplace, où se déplacent les humains sur d’énormes animaux de métal. Car les hommes aiment par dessus tout la vitesse et l’uniformisation d’un monde où les étoiles ne peuvent se refléter sur l’asphalte de la destruction. Le roman, très intimiste, nous emmène lentement mais surement sur l’herbe de la connaissance, sur le dos d’une tortue, dans la mémoire des yeux d’un hibou, sur les feuilles du courage. Sillage de la bave qui laisse à penser que c’est par la trace de la douleur que se creuse la terre du Bien commun, face à son recouvrement par une matière noire, anéantissement programmé des hommes qui ne connaissent plus rien à la lenteur des choses.

Dans ce voyage, notre héros aux yeux en forme de petites cornes comprendra la vraie nature du courage, pourvu qu’il domine sa peur ! Dans sa lente aventure, il rencontrera des êtres aussi lents que lui, parentes des grandes tortues des Galápagos, d’autres plus rapides tels que les fourmis, des scarabées… La tortue saura lui révéler son nom et le hibou une direction, au temps suspendu et sans mesure : « Ma nature, c’est d’observer et de savoir. Ne te plains pas d’être lent, escargot. Grâce à la lenteur, j’ai appris d’une tortue qui tournait la tête à chaque pas pour voir si elle était suivie, l’existence d’un jeune escargot appelé Rebelle ».

L’art de conter est comme une évidence pour l’auteur. Luis Sepúlveda nous conte une nouvelle fable animale, que l’on peut lire à tous les âges, en marche arrière, sur la vie des hommes pour retrouver notre âme d’enfant ! Une vérité qui a sans doute besoin de la lenteur pour être vérifiée, si nous savons en parallèle nous ouvrir au monde, pour appréhender quand cela est possible, l’autre et ses actions. L’ouvrage est aussi une fable écologique, philosophique, solidaire et humaniste sur l’espoir et la vision que la jeunesse porte au regard des anciens, murés dans leurs vieilles coquilles, mais qui sait aussi être attentif à la sauvegarde du groupe dans leur individualité.

« J’ai appris l’importance de la lenteur et maintenant j’ai appris qu’à force d’être désiré, le Pays de la Dent-de-Lion était en nous-mêmes ».

La réussite et la singularité de l’Histoire d’un escargot qui découvrit l’importance de la lenteur viennent que l’auteur oppose la lenteur physique d’un escargot à la « vivacité de ses actions ». Si nous faisons preuve de sagesse, alors acceptons la lenteur, indispensable, salvatrice, quelles que soient les flâneries de nos pensées, à l’écoute de tous nos sens, pour soi, comme pour les tous les êtres qui partagent cette terre, comme un trait d’union entre nous, les hommes, et les animaux.

 

Article écrit par Marc Michiels pour Le Mot et la Chose

 

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A propos de l'écrivain

Luis Sepulveda

 

Luis Sepúlveda est un écrivain chilien né le 4 octobre 1949 à Ovalle. Son premier roman, Le Vieux qui lisait des romans d’amour, traduit en trente-cinq langues et adapté au grand écran en 2001, lui a apporté une renommée internationale. 1975 : il a vingt-quatre ans lorsque, militant à l’Unité populaire (UIP), il est condamné à vingt-huit ans de prison par un tribunal militaire chilien pour trahison et conspiration. Son avocat, commis d’office, est un lieutenant de l’armée. Il venait de passer deux ans dans une prison pour détenus politiques. Libéré en 1977 grâce à Amnesty International, il voit sa peine commuée en huit ans d’exil en Suède. Il n’ira jamais, s’arrêtant à l’escale argentine du vol. Sepúlveda va arpenter l’Amérique latine : Équateur, Pérou, Colombie, Nicaragua. Il n’abandonne pas la politique : un an avec les Indiens shuars en 1978 pour étudier l’impact des colonisations, engagement aux côtés des sandinistes de la Brigade internationale Simon-Bolivar en 1979. Il devient aussi reporter, sans abandonner la création : en Équateur, il fonde une troupe de théâtre dans le cadre de l’Alliance française. Il arrive en Europe en 1982. Travaille comme journaliste à Hambourg. Ce qui le fait retourner en Amérique du Sud et aller en Afrique. Il vivra ensuite à Paris, puis à Gijon en Espagne. Le militantisme, toujours : entre 1982 et 1987, il mène quelques actions avec Greenpeace. Son œuvre, fortement marquée donc par l’engagement politique et écologique ainsi que par la répression des dictatures des années 70, mêle le goût du voyage et son intérêt pour les peuples premiers.

 

A propos du rédacteur

Marc Michiels (Le Mot et la Chose)

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Né en 1967, Marc Michiels est un auteur de poésie visuelle. Passionné de photographie, de peinture et amoureux infatigable de la culture japonaise, il aime jouer avec les mots, les images et la lumière. Chacun de ses textes invitent au voyage, soit intérieur à la recherche du « qui » et du « Je par le jeu », soit physique entre la France et le Japon. Il a collaboré à différents ouvrages historiques ou artistiques en tant que photographe et est l’auteur de trois recueils de poésies : Aux passions joyeuses (Ed. Ragage, 2009), Aux doigts de bulles (Ed. Ragage, 2010) et Poésie’s (2005-2013). Il travaille actuellement sur un nouveau projet d’écriture baptisé Ailleurs qui s’oriente sur la persévérance du désir, dans l’expérience du « pardon », où les figures et les sentiments dialoguent dans une poétique de l’itinéraire.