Histoire d’un escargot qui découvrit l’importance de la lenteur, Luis Sepúlveda
Histoire d’un escargot qui découvrit l’importance de la lenteur, traduit de l’espagnol (Historia de un caracol que descubrió la importancia de la lentitud) par Anne-Marie Métailié, octobre 2014, dessins de Joëlle Jolivet, 6
Ecrivain(s): Luis Sepulveda Edition: MétailiéUn escargot n’est ni une mouette, ni un chat, ni une souris. Eux peuvent voler ou courir, sauter, alors que l’escargot va toujours lentement, très lentement. Pourquoi va-t-il si lentement ? Pourquoi n’a-t-il pas d’autre nom que « l’escargot » ? Ces questions ne cessent de tourner dans la tête de l’escargot qui voudrait tant savoir. Ce n’est visiblement pas auprès des autres escargots, bien installés dans la confortable ombre des acanthes, un peu éloignés des maisons des hommes. Il finit même par agacer avec ses questions. Alors il va partir à la recherche des réponses. Des réponses qui pourront lui permettre de comprendre sa lenteur et peut-être de trouver un nom.
Dans sa lente aventure, il rencontrera des êtres aussi lents que lui, d’autres plus rapides mais que sa lenteur va lui permettre de rencontrer. La tortue saura lui donner ou révéler son nom et il découvrira la menace qui pèse sur le jardin, les acanthes et le refuge des siens. Il choisira alors de faire ce qu’il estime nécessaire, même au prix de dangers inconnus et terrifiants pour au moins sauver ceux qui ont choisi de résister, même si c’est en prenant le chemin de l’exil.
Avec son style et son humanité, Luis Sepúlveda nous conte une nouvelle fable animale dont il a le secret. Une fable à la fois écologique, philosophique et engagée où il est aussi question de résistance et de solidarité, de conformisme et d’aveuglement. On rira ou sourira, pour éveiller le sens critique des plus jeunes, à la découverte de la presse que fait notre héros, en laissant sa traînée sur une feuille de journal abandonnée. On pourra être aussi touché par les efforts surhumains (ou plutôt « surgastéropodiens ») qu’il accomplit pour parvenir à l’objet de sa quête, n’hésitant pas à gravir le haut arbre où perche un hibou un peu las de tout, mais toujours clairvoyant et prêt à se mobiliser pour les belles causes. Comme le titrait il y a quelques années une publication pour la jeunesse, de 7 à 77 ans, et sans doute même avant et au-delà ! On pourra y trouver des références implicites à tels ou tels personnages, mais surtout à des façons d’être, de vivre, d’être attentif ou ignorant de l’autre. On peut aussi simplement apprécier une belle histoire, pleine de « lentes » péripéties, à lire et conter à ceux pour qui le plaisir d’entendre et d’écouter prime encore sur celui de lire par soi-même…
Un livre court, que des adultes toujours pressés pourront avoir tendance à lire vite… ce qui serait une ironique maladresse, une pratique « à l’envers »… Qu’ils apprennent alors la leçon de Rebelle l’escargot : la lenteur est utile, elle est même peut-être indispensable, voire salvatrice. Prenons donc le temps de savourer cette belle invitation à la lenteur. Si l’on y réfléchit un peu… on se convaincra assez « vite » que le temps pris ne peut-être perdu, que le prendre c’est en gagner. Pour soi et pour les autres.
Pour cette édition, les mots de l’auteur chilien, traduits par l’éditrice elle-même, sont servis dans l’écrin des dessins de Joëlle Jolivet, qui se fondent avec souplesse dans le récit pour porter et faire résonner avec force mais sans violence cette histoire de rébellion tranquille et résolue aux plus jeunes lecteurs (de corps ou d’esprit !).
Marc Ossorguine
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