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Hideyoshi seigneur singe, Shiba Ryôtarô

Ecrit par Victoire NGuyen 08.03.13 dans La Une Livres, Japon, Les Livres, Recensions, Roman, Philippe Picquier

Hideyoshi seigneur singe, traduit du japonais par Yoko Kawada, Sim et Sylvain Chupin, Collection Picquier Poche, 814 p. 12,20 €

Ecrivain(s): Shiba Ryôtarô Edition: Philippe Picquier

Hideyoshi seigneur singe, Shiba Ryôtarô

 

C’était de la comédie

 

Il est indéniable que Shiba Ryôtarô livre ici une œuvre littéraire de très haute facture. L’épaisseur du roman ne doit pas dérouter le lecteur car l’auteur conjugue à merveille l’érudition et le roman d’aventures. En effet, Hideyoshi seigneur singe n’est pas seulement un roman biographique retraçant la vie et l’œuvre politique de l’un des trois plus grands daimyôs que le Japon ait connu. Il est aussi un roman d’aventures car le lecteur suit Nobunaga, le maître de Hideyoshi et Hideyoshi lui-même dans nombre de batailles. La description est un des genres dominants dans ce roman. Elle est tour à tour épique et tragique lorsqu’elle décrit par exemple la mort de Nobunaga. L’alternance de ces deux tonalités donne de la vigueur et de la force au récit l’apparentant soit aux chansons de geste occidentales soit aux dits chers à la littérature japonaise. En effet, certains passages ramènent le lecteur vers des chapitres du Dit du Genji.

Cependant, loin d’en faire une hagiographie de Hideyoshi, Shiba Ryôtarô entend retranscrire dans sa vérité nue le vrai visage du stratège. Il use pour cela des chroniques du XVIème siècle ainsi que du travail d’historiens et offre au public japonais mais aussi étranger un visage simiesque et changeant de ce petit homme de basse extraction. Le surnom de « singe » qui lui a été donné par les villageois et par ses différents maîtres souligne la laideur de son apparence. Or derrière cette physionomie peu séductrice se cache un enfant puis un homme dévoré par l’ambition et par la ruse. Sachant qu’il est défavorisé par la nature et par la naissance, l’homme va mettre à profit sa jovialité et sa drôlerie pour servir ses maîtres et grimper les différents échelons de samouraï pour parvenir au pouvoir suprême.

« Le Singe travailla jour et nuit. Mais chaque jour se renforçait en lui l’impression que ses ambitions ne s’épanouiraient pas dans ce pays, car il y manquait la guerre. Dans un monde en paix, le Singe risquait de rester le Singe toute sa vie ».

Or le siècle tumultueux et tourmenté dans lequel il est projeté le jette aux pieds d’un homme au caractère et au tempérament singuliers. Il s’agit bien sûr du premier unificateur du Japon, Nobunaga.

Shiba Ryôtarô met ici en lumière la relation non moins étrange qui lie les deux hommes : l’un, Nobunaga et l’autre, Hideyoshi. Il met au service du lecteur toutes les informations pour comprendre l’époque de Hideyoshi et son ascension vers le pouvoir suprême. Il renseigne aussi son public sur les enjeux psychologiques qui existent entre les deux hommes. C’est un roman dans lequel Hideyoshi accepte le pacte tacite qui le soumet au sadisme de Nobunaga. Il consent à être le singe de son Maître, le bouffon de son roi tout en l’aidant à gagner batailles et royaume par son intelligence. Il consent, comme il le dira à son épouse des années plus tard, à endosser ce rôle ingrat car c’était le prix à payer pour avoir et la couronne et le sceptre.

« Tout ça, c’était de la comédie, lui répondit Hideyoshi en s’allongeant. (…) Et j’ai fini de conquérir le Japon grâce à ça ! ».

Admirable leçon de lucidité sur lui-même et sur la nature humaine.

 

Victoire Nguyen


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A propos de l'écrivain

Shiba Ryôtarô

 

Shiba Ryôtarô est né en 1923. Il est décédé en 1996. Cet auteur est considéré au Japon comme un auteur incontournable du roman historique d’après-guerre. Très prolixe, il a à son actif plus de trois cents romans et donne au jidai shôsetsu (roman d’époque) une dimension extrêmement érudite. Attirant ainsi des lecteurs de plus en plus curieux de redécouvrir l’histoire de leur pays. Distingué par le prix Naoki, il entreprend de 1963 à 1968 une fresque retraçant l’histoire du Japon durant la période des guerres civiles du XVIe siècle. Il s’attèle à étudier et à faire connaître du public le portrait de trois grands chefs du Japon féodal : Oda Nobunaga (1534-1582), Toyotomi Hideyoshi (1536-1598), et Tokugawa Ieyasu (1542-1616). Shiba consacrera un roman à chacune de ces trois figures légendaires de l’histoire japonaise qui ont œuvré à l’unification du pays. Ce roman-ci publié récemment dans la collection Picquier Poche retrace l’ascension d’un homme de basse condition au pouvoir suprême.

A propos du rédacteur

Victoire NGuyen

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Un peu de moi…

Je suis née au Viêtnam en 1972 (le 08 Mars). Je suis arrivée en France en 1982.

Ma formation

J’ai obtenu un Doctorat es Lettres et Sciences Humaines en 2004. J’ai participé à des séminaires, colloques et conférences. J’ai déjà produit des articles et ai été de 1998 – 2002 responsable de recherche  en littérature vietnamienne dans mon université.

Mon parcours professionnel

Depuis 2001 : Je suis formatrice consultante en communication dans le secteur privé. Je suis aussi enseignante à l’IUT de Limoges. J’enseigne aussi à l’étranger.

J'ai une passion pour la littérature asiatique, celle de mon pays mais particulièrement celle du Japon d’avant guerre. Je suis très admirative du travail de Kawabata. J’ai eu l’occasion de le lire dans la traduction vietnamienne. Aujourd’hui je suis assez familière avec ses œuvres. J’ai déjà publié des chroniques sur une de ses œuvres Le maître ou le tournoi de go. J’ai aussi écrit une critique à l’endroit de sa correspondance (Correspondance 1945-1970) avec Mishima, auteur pour lequel j’ai aussi de la sympathie.