Gérard de Cortanze, Le goût des arbres ET François Bott, Un amour à Waterloo (par Philippe Leuckx)
Gérard de Cortanze, Le goût des arbres, Mercure de France, Le petit mercure, 2019, 128p., 8,20€.
La collection « Le goût de » regorge de petites merveilles. Chaque fois, un écrivain recueille des textes d'écrivains autour d'un thème célébré.
L'anthologie, introduite par un auteur qui s'est souvenu des « érables sycomores », propose de fouiller dans la littérature « des arbres ».
S'ils sont, ces arbres, de « la famille » d'un Jules Renard, dont le regard est aussi acéré que certains troncs, ils parsèment les champs littéraires, même si , comme chez Flaubert « ils n'ont plus de feuilles » lors d'une promenade d'automne.
Le grand Tacite savait offrir une religiosité à ces « bois touffus » et « consacrés » : il regrette leur disparition « pour la santé de la terre ».
La forêt nourrit, certes, les contes des Grimm : lieu d'attaque et de peur ; un simple « platane » donne des ailes à l'imaginaire barrésien où chaque homme « s'efforce de jouer son petit rôle et s'agite comme frissonne chaque feuille de platane ».
Il y a aussi, et les exemples pleuvent, la poésie des arbres : de Prévert à Hugo, en passant par Ronsard, la capillarité des âmes et des arbres, qu'ils soient « aubépin », « chêne » ou « arbres (qui) connaissent la musique », est un sujet essentiel: lien d'existence entre « amour céleste et éternelle paix », comme chez Gilkin, bois de cercueil unissant forêt et humain, comme chez Hérédia.
Le très beau texte de Tournier (L'arbre et la forêt) qui signe voyage, expérience personnelle, travail de la lumière, nous plonge dans l'imaginaire propre aux forêts profondes, allemandes ou autres et nous rappelle aussi que l'arbre, souvent centenaire, voire plus, peut mourir, à l'aune humaine.
Gérard de Cortanze, écrivain, essayiste, a rassemblé ici nombre de textes célébrant arbres et forêts.
Il est l'auteur d'une soixantaine de volumes romanesques et critiques.
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François BOTT, Un amour à Waterloo, La Table Ronde, 2020, 128p., 14,00€.
Pour avoir apprécié « Un hiver au Vésinet » et « Le dernier tango de Kees Van Dongen », plongé dans ce nouveau recueil de nouvelles, j'ai pu voir à quel point le style de l'auteur, acéré et fluide, et la description de personnages ordinaires, fine et allusive, attisent la lecture.
Dix nouvelles, d'emblée sous la bannière de Bonaparte, Napoléon (I et III) ou de noms qui échafaudent des réseaux de souvenances (Madame de Staël), déclinent l'amour que l'auteur porte aux gens et à l'histoire .
On peut être fou du vaincu de Waterloo, en tant que spécialiste de cette époque sombre, ou simplement guidé par les vocables (ce Motel Napoléon). On peut tout aussi bien jouer de la généalogie des Bonaparte et puiser dans l'existence de ce Pierre Bonaparte, assassin notoire, plus d'une fois emprisonné, éclairant d'un lustre étrange cette tribu célèbre.
Les portraits de femmes ajoutent à la radioscopie de certaines existences, tissées d'amours et de mélancolie, où l'âge, les érosions dues au temps, les regrets, les tourments agitent et troublent.
Dans une langue épurée, nourrie de toutes petites phrases, Bott excelle à décrire les âmes. Oui « s'évader du chagrin » ou « des jours de déprime » ou encore faire « prendre l'air à ses pensées » : le monde s'écrit entre pulsions et régressions, dans l'entrelacs des sentiments et des fuites.
L'ancien critique du « Monde des livres » poursuit une oeuvre de premier plan, qui cerne bien les mouvements de personnages complexes et fragiles, comme l'heure sonne la faillite ou la gloire, au fond bien dans l'éclairage du destin du grand Bonaparte, entre victoires et défaites.
Philippe Leuckx
François Bott, né en 1935, est l'auteur d'une quarantaine d'ouvrages romanesques et d'études littéraires. Notons : « Un hiver au Vésinet » (2018), « Nos années éperdues » (2018). Auteur de récits, de nouvelles, de journaux intimes.
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