Gardiens de lumière, Monique W. Labidoire (par Patrick Devaux)
Gardiens de lumière, éd. Alcyone, février 2017, Encre de Silvaine Arabo, 77 pages, 19 €
Ecrivain(s): Monique W. Labidoire
Alternant le jour et la nuit, l’ingestion de la nature et de subtiles évocations historiques, Monique distribue les rôles mêlant le recto du jour au verso de la nuit, la démarche se confondant en quelque chose d’encore différent : « L’entrée en finitude agresse les joies du jour, sa lumière, ses orages, ses nuages blancs et seule la nuit constellée d’étoiles réanime le frémissement ».
Du tableau d’origine émane peu à peu l’idée morale du jour et de ce que ne devrait pas être la nuit : « Et dit le poète : c’est à l’aube qu’on guillotine et qu’on mitraille comme si la nuit rejetait toute culpabilité d’actes barbares ». Le jour et la nuit se font complices, « riant sous cape de nos étonnements ».
On dit que la nuit tombe et que le jour se lève. Ne fait-on pas déjà de cette façon de la nuit une chute, un couperet ?
Il y a ce jour de la nuit qui n’existe que par une douce clarté atténuée, indirecte : « Mais si l’étoile de la nuit déploie ses ailes, roses, fuchsias, rhododendrons, brin d’herbe s’endormiront paisiblement à la lueur de la lune pleine ». Il y a participation progressive de la nuit et du jour : « Nuit rêve d’amour avec Jour. Et Jour vient à la Nuit ».
L’insomniaque, lui, veille, ignore la nuit se « désaltérant à la source primaire jusqu’à la disparition de la lune ». Monique glisse peu entre les draps de la nuit avec l’excuse de la couverture du jour. Il n’y a ni obstacle à franchir, ni même alternance de l’obscur et de la lumière. Il y a plutôt tentative de compréhension partagée, voire complicité, le thème du jour et de la nuit fonctionnant comme un couple qui se connaît bien.
Parfois le recueil fonctionne comme un écran où la nuit (ou le jour) semble déterminer l’actualité à travers l’idée de la poésie : « Mais le temps imparti au poème décline ses notes blanches et noires fracassant le vide d’étranges clairvoyances que notre raison rejette et brise en mille morceaux d’étoiles».
Il y a quelque chose de la Genèse dans l’éclatement universel de cette écriture ouverte en expansion. L’utopie d’une Création inversée se fait même jour les « rivières redonnant naissance aux espèces disparues ». Entre les mondes des « gardiens de lumière » vit le moment présent « suscitant joie, mélancolie, présence, silence, absence. Tout est espérance, sentiers de découverte et la respiration se fait plus ample ».
La deuxième partie du livre fait ainsi la place belle à l’inspiration à partir des grands thèmes, telle cette joie « à trouver ensemble quelque eurythmie profonde ». L’auteur défie ainsi le monde des apparences figées dans leurs définitions d’origine. Il s’agit presque d’une étude du mot et de sa place dans sa propre définition par rapport au vocabulaire ; en effet, le mot induit peut évoquer totalement autre chose que sa réalité.
Quand on connaît la fascination de cet auteur pour le poète Guillevic, vibraphone des mots s’il en est, cela ne surprend pas…
Ainsi Monique jongle-t-elle entre prose philosophique, poésie et essai. Elle construit son échafaudage de façon à ce que « chacun accueille son temps dans le moment présent et fasse coïncider les merveilles puisqu’à sa présence toujours vive dans le poème, c’est le cœur qui déclenche toutes palpitations ».
Patrick Devaux
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