Faux nègres, Thierry Beinstingel
Faux nègres, août 2014, 424 pages, 20 €
Ecrivain(s): Thierry Beinstingel Edition: Fayard
Dans ce roman, Pierre, un journaliste, se rend dans un petit village de l’est de la France. Le but de son reportage : expliquer le score élevé réalisé par l’extrême-droite lors des récentes élections. Pierre arrive sur les lieux, accompagné de son preneur de son, rendu aveugle par un accident quelques années plus tôt. Mais très vite, on comprend que Thierry Beinstingel veut nous faire faire un long détour par nos fausses certitudes, l’usage excessif et répétitif de notre histoire, la décadence de notre vocabulaire, la faiblesse de nos argumentaires dans les débats et discussions publics. Ainsi, Pierre, qui nous indique que son rédacteur en chef lui a transmis une consigne décisive : une seule question, un seul sujet, et persévérer en cas d’absence de réponse, découvre-t-il l’existence d’une pierre préhistorique qui serait cachée sous l’église du village : « Jean dit encore : Le village a une longue histoire. Tenez, l’église : il paraît qu’une pierre préhistorique est cachée dessous. Il a souligné “préhistorique” d’un doigt levé d’un mouvement de menton. C’est l’adjectif le plus lointain qu’il connaît, le plus digne de respect, incontestable et imparable ».
Ce qui est dénoncé avec force ironie, c’est aussi l’absence de facteurs unificateurs, de raisons véritables de se rassembler. Ainsi, à propos de l’effacement d’un trait d’union sur une pancarte, l’auteur accomplit une digression éloquente vers la signification de ce signe, ou les conséquences de son absence… « Le trait d’union ne relie plus personne. Reste l’élan mystique, le poids des corps morts, l’élévation des âmes, les mots d’une histoire que nous forgeons sans y penser ».
Autre grave défaut de notre société dénoncé dans le récit, la solitude qui aboutit à la médiocrité, la petitesse d’esprit : « La politique, oui, la voici : quatre personnages, un aveugle éclairé, une femme délaissée, un adolescent amoureux, un journaliste déboussolé (…), l’ensemble formant nos petits arrangements, nos faibles accommodements ».
C’est de l’état du pays que nous entretient Thierry Beinstingel, en faisant appel à l’histoire, à la dénonciation de nos lieux communs, à Arthur Rimbaud, dont une citation, avant la première page, explicite le titre de l’ouvrage, et dont les allusions à de multiples épisodes de sa vie éclairent le roman. Texte convaincant mais qui aurait gagné à être raccourci, car la démonstration est faite, largement avant la conclusion du texte .
Stéphane Bret
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