Et maintenant il ne faut plus pleurer, Linn Ullmann
Et maintenant il ne faut plus pleurer, traduit du norvégien par Céline Romand-Monnier, mai 2014, 416 pages, 23,00 €
Ecrivain(s): Linn Ullmann Edition: Actes Sud
Cela s’ouvre avec un titre qui semble annoncer une certaine légèreté, sauf que c’est la traduction française qui induit cela. Il semblerait en effet que « la précieuse » ou « le trésor » serait une traduction plus fidèle au titre original. La traduction américaine, The Cold Song, n’est pas plus fidèle mais cela n’a apparemment pas empêché le titre de compter parmi les best-sellers outre-atlantique.
Au départ cela ressemble à une dramatique ou à une grande série télé pour l’été, avec une famille plutôt aisée qui se retrouve dans la maison de campagne familiale où vit Jenny, la grand-mère au caractère bien trempé, comme l’on dit. Complétons le tableau avec Siri, la fille unique qui a réussi (elle possède deux restaurants) mais qui entretient des relations plutôt tendues avec sa mère. Il y a bien sûr aussi son mari, Jon, écrivain en panne sur le troisième tome de sa trilogie depuis des mois. Ils ont aussi deux filles, dont l’aînée, Alma, commence à poser quelques problèmes somme toute relativement « normaux » pour ses 12 ou 13 ans, seuil de l’adolescence.
Cette dernière est en train de devenir un réel problème, accumulant les comportements « anti-sociaux » et ne se sentant acceptée et prise au sérieux que par sa grand-mère, aussi peu convenable et « socialement correcte » qu’il se peut. Il y a aussi la gouvernante, une géante indéfectiblement fidèle à la grand-mère et qui est comme un membre de la famille, exerçant sans complexe son autorité sur tous, surtout sur Siri. Voilà pour l’essentiel. Mais en cet été, Siri, la mère, a choisi de faire appel à une jeune fille pour s’occuper des enfants. Ce sera Mille, dont le style se démarque assez nettement des autres, avec sa beauté « lunaire » et son indépendance.
Au cours de la fête d’anniversaire pour les 75 ans de Jenny, que sa fille a imposée envers et contre tous, un drame inattendu va se produire. Sans faire plus d’éclat, sans être amplifié ou dramatisé à l’excès par la narration, il va opérer comme révélateur de tous les non-dits, de toutes les tensions qui habitent cette famille bourgeoise et si « comme-il-faut ». Les silences convenus et décents peuvent alors être lourds de conséquences, les malentendus et non-dits, les regards détournés et silences peuvent s’avérer bien plus dévastateurs et violents que les passions brutales. Les vieilles blessures s’ouvrent une à une, libérant leurs miasmes et leurs douleurs.
On peut estimer que ce regard sur une famille empêtrée dans les convenances ne constitue pas un objet littéraire bien puissant ni bien original, on peut aussi trouver que l’auteur sait jouer avec habileté avec les demi-teintes et le registre du suggestif, dans un rythme et un tempo mesurés avec soin, jusqu’au final discret et apaisé qui saura peut-être apaiser les blessures du silence.
Marc Ossorguine
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