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Et dans l’éternité je ne m’ennuierai pas, Souvenirs, Paul Veyne (2ème article publié)

Ecrit par Sophie Galabru 27.11.14 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Albin Michel, Récits

Et dans l’éternité je ne m’ennuierai pas, Souvenirs, septembre 2014, 260 p. 19,50 €

Ecrivain(s): Paul Veyne Edition: Albin Michel

Et dans l’éternité je ne m’ennuierai pas, Souvenirs, Paul Veyne (2ème article publié)

 

Ensemble de souvenirs disparates, mêlant les anecdotes comme les passages importants de sa vie, des analyses des religions, du parti communiste, de la Rome antique, d’amour, d’alpinisme, Paul Veyne parle comme il l’entend de tout ce qu’il souhaite partager. Si l’homme du présent explique celui du passé, nous découvrons qu’il sait rejoindre l’éternité dans le plaisir du savoir ou des extases de l’amour. Drôle, lucide et excentrique, passionné, nous comprenons peu à peu le titre de ces mémoires.

L’auteur prévient dès la première page : « Ce livre n’est pas de l’autofiction et n’a aucune ambition littéraire, c’est un document social et humain à l’usage des curieux ». Pourquoi ainsi qualifier ses souvenirs ? L’historien ne se contente pas de s’observer, mais de se comprendre à l’aune du contexte historique et social qu’il a traversé. Non seulement a-t-il vécu des évènements historiques tels que l’Occupation qui marquera radicalement l’enfant et l’adulte qu’il devient, mais il put avoir la chance de rencontrer d’aussi grandes figures que René Char ou Michel Foucault dont il veut témoigner.

S’il s’attache à s’expliquer dans ce livre – comme lorsqu’il comprend son adhésion au parti communiste par la culpabilité que lui firent éprouver les idées collaborationnistes de son père – le seul hasard concerne sa vocation. Vers huit ans, la découverte d’un trésor, une pointe d’amphore romaine dans la terre, et un embrasement pour l’histoire antique lui ouvrent le chemin vers le plaisir intellectuel de la lecture, de la scolarité et de la réussite. Loin de souhaiter être professeur, l’historien se décrit comme un solitaire, rêvant aux figures de ses manuels scolaires, contemplatif et excentrique. Nous découvrons que son talent de conteur s’accomplira sur scènes aux côtés de Michel Piccoli et Dominique Blanc dans une récitation des poèmes de René Char alors disparu. La richesse de ces souvenirs rendent impossible la lassitude, et ses pensées nous sont livrées en toute transparence avec une lucidité souvent très amusante. « Un excentrique ? C’est me faire trop d’honneur : je suis un faux bohème qu’attire le romanesque, voilà tout. Peu soucieux de mes sous, je laisse de bons pourboires, mais sans me ruiner ; je n’ai pas négligé ma carrière universitaire et n’ai jamais touché aux stupéfiants. Je suis habillé et coiffé comme tout le monde. Je n’ai jamais eu d’accident de voiture ».

Paul Veyne raconte en effet toute l’importance de l’amour dans son existence. Sans s’épancher l’auteur délivre quelques fragments d’histoires parfois tragiques. Là encore, tout n’est pas dit : seul le plus marquant et le plus partageable. Il ne s’agit pas de mémoires établies selon une chronologie linéaire impeccable et sans manquements, mais d’une histoire qui se raconte au rythme de l’auteur, de ses envies, et de ses élans du cœur. Ainsi, ces souvenirs ne sont pas centrés sur son auteur mais visent toujours à parler d’autre chose, de la vie d’écolier, d’étudiant à l’Ecole Normale Supérieure, de frileux adhérent du parti communiste, des personnalités rencontrées, de l’ambiance de l’université ou du Collège de France, des voyages en Italie, du plaisir de la recherche, de la sexualité et de l’amour. En somme, toutes sortes de sujets qui peuvent aisément se hisser à l’universalité par l’intérêt que sait si bien susciter son auteur. Humblement et conformément au grand historien qu’il est, Paul Veyne passionne, lui-même passionné par ce qu’il nous raconte. Il réussit alors à rendre l’exercice du souvenir tout à la fois sérieux et léger, parvenant à décentrer ses souvenirs vers le statut de témoignages plutôt que d’histoires personnelles. Objectif parfaitement atteint.

 

Sophie Galabru

 

Lire l'article de Marie-Pierre Fiorentino : http://www.lacauselitteraire.fr/et-dans-l-eternite-je-ne-m-ennuierai-pas-souvenirs-paul-veyne


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A propos de l'écrivain

Paul Veyne

 

Né en 1930, Paul Veyne est un historien spécialiste de la Rome antique dont il explore les facettes sociales, économiques, politiques et culturelles, par exemple dans Le Pain et le Cirque. Sociologie historique d’un pluralisme politique (1976), La société romaine (1991), Quand notre monde est devenu chrétien (2006). Mais cet ancien élève de l’École normale supérieure, membre de l’École française de Rome et professeur honoraire du Collège de France a aussi contribué à l’épistémologie de sa discipline avec un premier ouvrage paru en 1971, Comment on écrit l’histoire. Essai d’épistémologie. Intéressé par la philosophie, il a consacré deux livres à la personnalité et l’œuvre de son ami le philosophe Michel Foucault et a présenté et commenté les œuvres de Sénèque (Introduction à De la tranquillité de l’âme, 1993 et Préface, notice et notes à Entretiens, Lettres à Lucilius). Son amour et sa connaissance fine des beaux-arts l’ont conduit à plusieurs présentations des poèmes de René Char (René Char en ses poèmes, 1990) ou des peintres italiens (Mon musée imaginaire ou les chefs-d’œuvre de la peinture italienne, 2010) ; il en a même fait une chronique radiophonique sur France Inter durant l’été 2011. C’est dans sa Provence natale, au pied du Ventoux, qu’il a écrit ses Souvenirs.

 


A propos du rédacteur

Sophie Galabru

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Rédactrice

Sophie Galabru est agrégée et docteure en philosophie. Ses recherches portent notamment sur la phénoménologie (en particulier l’œuvre d’Emmanuel Levinas), la philosophie du temps et de la narration.