Entre théâtre et performance : la question du texte, Joseph Danan
Entre théâtre et performance : la question du texte, mars 2013, 96 pages, 12 € (disponible également en format numérique enrichi)
Ecrivain(s): Joseph Danan Edition: Actes Sud/PapiersRepenser le théâtre
La collection Apprendre réunit une trentaine de volumes confiés à des auteurs, metteurs en scène ou universitaires qui, pour la plupart, ont contribué au renouveau de la scène et des écritures contemporaines. Le numéro 35 de la collection est signé par Joseph Danan.
Dès les premiers mots de son essai, ce dernier s’inscrit dans une double logique, la première, celle du chercheur analysant les transformations profondes des écritures dramatiques contemporaines, et la seconde, celle de l’auteur aux prises lui-même avec ces nouveaux langages.
Joseph Danan ne cesse depuis de longues années d’interroger les mutations du théâtre. Dans son nouvel essai, rédigé en 2012 et consacré à la performance, il montre comment celle-ci traverse et féconde la dramaturgie contemporaine. Au cœur de sa réflexion, s’impose la question du texte et de sa survie.
J. Danan mène une analyse rigoureuse à partir d’exemples historiques, permettant d’expliciter cette dimension du vivant, de l’instantané, du performatif, qui semble-t-il a été initié par les arts plastiques, les arts visuels, les « performing arts » des années 60-70 dans les pays anglo-saxons. Il cite des œuvres telles qu’Outrage au public de P. Handke en 1966, Shoot de C. Burden en 1971, et plus récemment en 1995, Cleaning the mirror de Marina Abramovic et Inferno de R. Castelluci en 2008. La performance s’instaure contre la mimésis aristotélicienne. Il n’y a rien à représenter. C’est le spectateur qui constitue le point central du dispositif. Et les comédiens ne sont qu’eux-mêmes et rien d’autre.
J. Danan évoque précisément le cas d’un spectacle de Vitez en 1975, d’après Les cloches de Bâled’Aragon. Il ne s’agissait pas d’adapter un texte de roman pour le faire glisser vers un texte dramatique mais d’entamer un geste : les comédiens lisant des passages du texte d’Aragon autour d’une table, face aux spectateurs. Artaud avait quant à lui, dès Le théâtre et son double, remis en cause l’héritage du théâtre de la représentation. Faire surgir la vie (21).
Ainsi Joseph Danan propose-t-il une série d’items constitutifs de la performance p.22-3, mais il s’agit de bien comprendre qu’ils ne sont pas absolument nécessaires. L’essentiel réside dans l’accomplissement (sens étymologique de performance) d’une action sans mimésis.
La mise en jeu de l’artiste
La non séparation de l’art et de la vie
L’importance primordiale du corps
L’unicité de l’événement
Le partage d’une expérience
La contestation
La transgression
La question posée de l’identité sexuelle
La marginalité
Joseph Danan en vient à poser le statut de l’écriture dramatique, de l’existence du texte mises en concurrence en quelque sorte avec la Performance. Dans l’histoire du théâtre, il y a eu une primauté du texte. Aujourd’hui, nous assistons à une remise en cause de cette origine textuelle. J. Danan rappelle, en citant p.49 Schechner, que la représentation théâtrale s’élabore à partir du TEXTE, de l’ESPACE, des SPECTATEURS et de LA PERFORMANCE. La performance tuerait-elle le texte ? Puisque l’auteur n’est plus l’initiateur, que les comédiens, les vidéastes, les scénographes, les metteurs en scène interviennent de manière significative. Les auteurs d’ailleurs sont très souvent ceux qui montent leur œuvre. Ce qui est à l’œuvre dans la performance, c’est bien de dépasser une œuvre préexistante : le moment de l’écriture et celui de la mise en scène sont quasiment simultanés. J. Danan s’en réfère de ce point de vue au travail de Pommerat fondé sur « un rapport au temps réel » qui relie comédien et spectateur. J. Danan s’appuie également sur le traitement du personnage dans ce nouveau théâtre qui perd toute épaisseur mimétique. L’auteur dramatique doit participer à la vie de la scène. Ce que J. Danan appelle de ses vœux en somme, ce n’est pas la disparition du texte mais au contraire sa confrontation intense, forte avec la sphère scénique et de cette confrontation naîtra un imaginaire théâtral fécond, celui des formes nouvelles de « dramaticité »…
Marie Du Crest
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