En minuscules, Marie-Clotilde Roose (par Didier Ayres)
En minuscules, Marie-Clotilde Roose, éditions Le Taillis Pré, mars 2023, 82 pages, 14 €
Dieu en minuscule
Alors que j’entreprends ces lignes, j’écoute le Nisi Dominus de Vivaldi chanté par James Bowman – lequel vient de disparaître –, émouvante cantate sacrée, qui s’adresse à la beauté et à Dieu, ce que je retrouve en partie dans le dernier ouvrage de Marie-Clotilde Roose. Au surplus, ce sentiment de partage de la chose spirituelle construit bel et bien le poème, lui aussi appel métaphysique. Et je veux parler de deux immanences, celle du divin et celle de la créature, individu en conversation avec le général (si l’on suit cette idée dans Kierkegaard). Livre d’heures ainsi lié à la langue du poème qui devient quelque chose comme une prière, immanence qui se dirige vers le Créateur. Humilité de ces minuscules, effacement de l’égo, simplicité relative de la relation créateur/créature.
pour venir à toi
me blottir en ta voix
absente mais profonde
combe de laine et de myrrhe
qui me dicte cet amour
abandonnée je reçois
Il s’agit d’une affaire de focale, le grand contenu dans le petit. Dialectique entre le divin et les mortels, le léger et le lourd, la terre et le ciel, monde terrestre en son désir et monde céleste, horizon mystérieux, plus vaste que le désir humain.
J’ai dit dans mon titre : dieu en minuscule. C’est à prendre au sens propre et figuré. Le recueil, écrit sans majuscules, dans lequel la ponctuation est utilisée de façon rare afin de ne pas troubler le chant du poème, trouve sa justification dans des textes qui ne sombrent ni dans l’anecdote ni dans l’emphase. Cette prière et cet appel à dieu restent sobres, éveillent l’être, l’être à lui-même ; tout cela accompli par un travail lyrique qui contient en lui le choral et le silence voulus.
tu es venu me dire
je suis là, près de toi
écoute ma parole
au doute, au plus profond
tu es venu répondre
en acte et parabole
Ce que je retiendrais au final, c’est ce mouvement à la fois ascendant et descendant, allant du proche au lointain et inversement, de l’individu à l’essaim spirituel et inversement. Allant plus haut tout en conservant l’humilité de l’énonciation d’un chant adressé au seigneur. Angoisse et allégresse, anxiété et alacrité ; les sentiments humains en balance dans ces textes sincères et figuratifs.
Didier Ayres
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