Emoi enn Perle, Rekey Poem, Prisheela Mottee
Emoi enn Perle, Rekey Poem, éd. Norêvya (Maurice), janvier 2017, 15 pages (en vente dans les librairies Bookcourt)
Ecrivain(s): Prisheela Mottee
C’est un tout petit recueil qui vaut la peine qu’on lui accorde quelque attention.
C’est un tout petit recueil tout plein de lumière.
C’est un tout petit recueil tout plein de lumière et zébré d’ombres.
C’est un tout petit recueil qui rit et qui pleure.
Prisheela Mottee est jeune.
Prisheela Mottee est mauricienne.
Prisheela Mottee parle avec son cœur.
Prisheela Mottee écrit ce qu’elle ressent.
Pour écrire et parler avec son cœur, pour parler et écrire ce qu’on ressent au plus profond de soi, le mieux, le plus expressif, c’est de le faire en poésie, dans sa langue maternelle.
Prisheela Mottee écrit donc en kreol, et ce kreol qui est le sien, c’est le kreol morisien.
L’image obsédante du recueil est le regard, celui de l’auteure, et celui de l’autre. Car le JE de Prisheela s’adresse à un TU anonyme. Dans la majorité des textes s’instaure ainsi le duo des regards par le langage des yeux.
Ce sont aux yeux, naturellement, qu’affleure la tristesse qui monte du cœur, pour y retourner, dans un cycle qui pourrait être sans fin.
Dan to lizier mo ti zis enn larme
Enn larm ki finn coule lor to lazou
Pou fini so parcour dan to leker
(Larme to lizier)
Fermés, les yeux permettent de voir l’autre tel qu’on rêve qu’il soit. Mais attention, rouvrir les yeux n’est pas sans risque.
Me si mo ouver mo lizier
To pou nepli enn rev
To pou vinn realité
Enn realite ki pas mo rev…
(Mo rev)
Heureusement, un miracle peut se produire, et le rêve peut devenir réalité.
Mo resey ouver mo lizier
Wi! Mo reseye san perdi lespoir
Mo trouv enn luer
Enn luer ki ena to saler
(Freser liver)
L’autre dominante, en étroite et permanente relation avec la précédente, qu’elle amplifie, est faite de jeux d’ombres et de lumière.
La lune éclaire deux textes de sa lueur mélancolique.
Enn mouvo plenn linn san twa
Enn nouvo zour liver san twa
Enn nouvo larme pou twa
Twa kin desert mwa
(Enn nouvo plenn linn)
Mo assize lor rebor lafnet
Mo trouv reflet lalinn dan mo miroir
Miroir miroir
Kifer mo pas zoli kuma lalinn?
(Au claire de lalinn)
Le soleil est la personnification de l’être aimé, qui illumine et se dédouble et réchauffe de l’extérieur et de l’intérieur.
Zonn to kouler
Dan lesiel to plas
Me mo gard twa dan mo leker…
(Soley mo lalimière)
Evidemment, l’arc-en-ciel, symbole de l’île Maurice, est présent, figurant l’éphémérité des amours.
Me to pan dir mwa
Wi! To pan dir mwa
Ki niaz inn couvert to zoli kouler
Mo rev perdi so zoli kouler
(Arc en ciel)
Les amours, changeants, insaisissables, aléatoires, finalement, sont bien le thème omniprésent dans le recueil, figurés dans les éléments naturels, dans un va-et-vient perpétuel entre le microcosme du cœur et le macrocosme du temps et de l’espace.
Ce n’est certes pas nouveau, et Prisheela n’invente rien en exploitant cette thématique, mais elle le fait avec une candeur plaisante, une naïveté rafraîchissante, et une simplicité lexicale qui s’inscrit dans une juste recherche rythmique associée à un recours systématique et bienvenu à l’anaphore.
Son choix d’écrire en kreol morisien est un acte militant qu’elle revendique. On ne peut que l’encourager à poursuivre ce combat poético-politique.
Patryck Froissart
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