Émerveillements, Sandrine Kao (par Yasmina Mahdi)
Émerveillements, mars 2019, 40 pages, 18,90 €
Ecrivain(s): Sandrine Kao Edition: Grasset
L’album jeunesse composé par Sandrine Kao, d’origine taïwanaise, née en 1984, illustratrice et auteure de plusieurs romans et ouvrages d’art, s’offre à nous orné d’une couverture veloutée, au titre en lettres en surimpression, en relief. Sa réalisation est conçue de façon géométrique – un rappel d’idéogrammes avec quelques signes autour d’un sommet, probablement celui du Mont Fuji, dans des cases en forme d’écrans. Les couleurs et nuances pastel sont quelquefois mangées par le noir sidéral, la couleur d’encre. L’ère du minuscule alterne avec des indices infimes et pourtant visibles : le blanc de la neige, le rose des pétales de fleurs de cerisier et de pêcher et le vert du printemps. En dehors des éléments végétaux et de la vastitude du ciel, il y a la germination de la graine, l’éclosion délicate de quelques fleurs ou fruits.
Le dessin est circonscrit à la forme seule, le contour, à la manière de pictogrammes, sur des êtres assez identifiables, qui eux aussi, se multiplient mais sans se ressembler – les petits des animaux. Une délicatesse de ton s’associe à la finesse du trait pour chaque élément distinct, réduit à son essence graphique. Cet univers féérique se compose de créatures mi-chats, mi-belettes, qui évoluent en découvrant la nature. Les sens sont convoqués au rythme des saisons lors de chaque épisode très court, de chaque histoire. Les petits personnages s’acheminent dans la voie du Tao, du juste milieu, la voie médiane ou le Noble Chemin octuple, à la poursuite de la connaissance, d’un certain dépassement de soi, tout en essayant d’éloigner et de conjurer la souffrance. Ces seize expériences sont jalonnées par des réflexions sur la nature, sur l’amitié et sur le principe qui engendre la beauté. L’on trouve des figures ovoïdes qui contrastent avec des aplats délimités, au sein d’un espace aéré par le blanc et le vide du papier.
Les très belles pages sur Les pêches, Le goût du sourire, et La course, sont autant des mangas épurés à l’extrême que des natures mortes aux divers fruits. La pose chromatique rehaussée de légères ombres souligne la couleur de cendre, la couleur d’orange, celle de l’eau, se compose aussi de la couleur de pêche, de celle des pétales de cerisier, de la couleur du thé, et de la couleur jaune, étant la symbolique liée au mariage en Inde, à la robe des moines tibétains – le jaune d’or déclinant de l’ocre au safran. Juste une branche et quelques feuilles masquent ou révèlent, au premier plan, la montagne conique, à la façon des estampes. L’écriture du texte s’approche d’un petit manuel de philosophie, et ce précieux ouvrage s’adresse autant à des enfants qu’à des esthètes.
Yasmina Mahdi
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