Ébauche d’un Tristan, Jean-Claude Pecker (par Murielle Compère-Demarcy)
Ébauche d’un Tristan, Jean-Claude Pecker, Z4 Éditions, mars 2020, 262 pages, 18 €
Ce nouveau livre de l’astrophysicien-poète Jean-Claude Pecker donne l’occasion de nous replonger dans « l’un des plus fascinants mythes de la littérature médiévale » au dire de l’auteur : le mythe de Tristan, ce preux chevalier breton au service du roi Mark de Cornouailles, tombé sous le charme d’Yseult la blonde. J.-C. Pecker souligne d’entrée « l’étrange parenté entre l’histoire de Tristan et la (s)ienne » et prévient : « Si les vers qui suivent semblent parfois n’avoir aucun rapport avec l’histoire de Tristan, que l’on sache bien que c’est à mon histoire qu’ils se réfèrent. À mes histoires plutôt… ». Autobiographies donc, déroulées dans le Poème d’une mythologie personnelle – ainsi se présente ce nouvel opus de Jean-Claude Pecker publié par les éditions Z4 de Daniel ZIV.
Ébauchée en Bretagne (cf. « Sur la falaise de Penmarc’h… »), cette histoire d’une vie construite/écrite en « mille images d’une », embarque le lecteur sur les flots d’un univers « qui tangue » comme la mer, « plein d’hommes et de femmes (…) qui ne vont nulle part » mais vont, errants dans la « multitude infinie », hommes-Ulysse au voyage sur le cheminement de leurs vies faites de « transmutations », de « plaisir d’amour », de printemps toujours à naître, hommes-poussières d’étoiles jetés dans l’univers infini, l’infini noir et le tohu-bohu des amours passagères.
Livré au « sable cruel du temps », le poète amoureux va et vient sans s’être jamais reposé sur la laisse, sauf, à l’heure/à bord de cette « liberté (qui lui) vient avec les ans », navigateur « sur une barque aux voiles noires/sur une barque aux voiles blanches » écumant l’abîme du temps « dans la prison des souvenirs » dont il ouvre les portes pour laisser s’écouler sur la page des larmes, sa tristesse, une « amère allégresse », « la tête ailleurs », ballotté/reposé comme un galet modelé par la mer
Au coin des mers
au coin des rues au coin des lois
une surprise au coin de moi
que ton regard bleu éperdu
la mer où je me suis perdu
au pied d’un flamboyant palais
la mer qui me roule galet
Composé de cinq chapitres – chapitres d’une vie –, Ébauche d’un Tristan tente d’écrire/d’inscrire le livre d’une vie voyageuse multipliée/déviée/mise sur orbite par l’amour, vie mobilisée en vérité et au fond par un seul amour pour une femme telle Yseult séparée et reliée à Tristan à la vie, à la mort : « j’ai connu mille femmes, je n’ai aimé qu’une femme,/et je ne l’ai jamais reconnue… » écrit J.-C.
Pecker-Tristan, dans un aveu lyrique émouvant et lucide.
Faisant « le tour de (s)es amours », le trouvère/troubadour – chantre de l’Univers-Femme et des mystères de l’Infini qui nous immerge, nous porte, parfois nous abîme – se confie, après le silence assourdissant des orages, sur ces pages bruissantes d’amour « (…) splendeurs gonflantes de vents/qui passent laissant leur odeur », lui le poète
accroché aux touffes d’amour
que laisse la vie qui se heurte
aux branches de mes souvenirs
touffes d’espoir touffes de sang
Dans « le soir fou » ou « l’enfer » des amours cruelles comme elles le sont lorsqu’il leur arrive d’être malheureuses, ou dans le plaisir rouge « des mains qui se sont trouvées /et des doigts qui se sont parlé », dans « les émois purs des douces attentes », le poète-trouvère/troubadour-astrophysicien, mille rêveurs en un, cherche, puise, manie « l’étrange épée d’or fin » des mots et de la quête existentielle, jusqu’à redevenir l’« enfant réinventant l’amour »… Ici, « à tous les amants », J.-C. Pecker « adresse » comme Tristan « son salut : aux rêveurs, aux enamourés (…) à tous ceux qui liront (le Poème de) cette histoire : cette Ébauche accomplie d’un Tristan…
Murielle Compère-Demarcy
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Claude_Pecker
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