Du sable dans la bouche, Hervé Le Corre
Du sable dans la bouche, septembre 2016, 173 pages, 6,90 €
Ecrivain(s): Hervé Le Corre Edition: Rivages/noir
Livre policier et historique à la fois, où tous les protagonistes sont empalés dans des évènements liés à L’ETA. Une femme sort de prison, revient à Bordeaux. Le lecteur comprend peu à peu qu’elle a été mêlée à des évènements graves.
« Des femmes courent, suivies d’enfants, les bras étirés par des valises bourrées jusqu’aux serrures, rebondies à crever, là, au milieu des gens, vomissant de l’intimité, mise en pli pendant des heures, encore parfumée d’assouplissant ou de lavande ».
Elle paraît esseulée, mais aussi profondément déterminée.
« Alors peu à peu, l’idée de revenir et de faire ce que quelque chose de béant en elle réclamait chaque jour plus fort a creusé sa fissure imperceptible. Cette évidence a couru comme une vibration mortelle ».
C’est un récit au présent, avec des personnages à la jeunesse mouvementée. Et puis, il y a tout l’appareil répressif et policier, mis à nu par l’auteur qui en montre la logique implacable, et derrière toujours des petits enjeux de carrière et de pouvoirs.
« Dans votre bouche, certains mots sonnent comme des obscénités ! Comment vous faites, pour tout salir ? On vous apprend ça dans vos écoles de flics ? ».
L’auteur avec ce livre fait apparaître plusieurs mondes qui s’affrontent et parfois s’entremêlent.
« De toute façon, dites-vous bien que dans ce milieu d’anciens gauchistes, cette génération de petits bourgeois rangés des manifs, on ne fera jamais un gros score de popularité ».
La pègre jouera un rôle décisif dans le destin des protagonistes.
« Ça vaudra mieux. Tu pues la trouille à plein nez, affirme l’Aveugle. Je ne me trompe jamais. Laisse tomber ton affaire, t’as la guigne, je te dis ».
A travers ce policier, c’est aussi l’authenticité basque que le lecteur entrevoit et la force d’un militantisme.
« Alors le chant s’éleva de nouveau. D’abord sourd, comme le piétinement des spectateurs, que le vent bousculait. Puis, il enfla, imposant et carré dans la rue étroite, et les policiers firent reculer la foule jusqu’à la place, pas à pas, où elle resta longtemps, le chant brisé par le ferraillement des haut-parleurs qui ordonnaient aux gens de se disperser ».
Mais cette femme, cette revenante est avant tout celle qui a aimé et qu’on a piétinée. « On ne retrouva jamais le corps de Pierre Calmon, malgré les battues entreprises par la gendarmerie ». C’est une impression de gâchis que le lecteur ressent en refermant le livre et en même temps, c’est l’histoire de ceux qui s’engagent et possèdent encore des idéaux. L’humain, dans toutes ses contradictions…
Zoé Tisset
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