Du rififi à Wall Street, Vlad Eisinger (par Jean-Jacques Bretou)
Du rififi à Wall Street, Vlad Eisinger, janvier 2021, trad. Antoine Bello, 320 pages, 8,10 €
Edition: Folio (Gallimard)Vlad Eisinger rêvait d’écrire un jour le Grand Roman Américain. Alors, pour ce faire, il a passé la moitié des années 1990 à étudier à Columbia la littérature comparée. Puis, comme un Hemingway ou un Mailer, il a décidé pour élargir ses horizons de devenir journaliste. Engagé par le Wall Street Journal en 1997, il participa en 2001 à l’enquête sur l’entreprise Enron et ses pratiques délictueuses. La débâcle qu’ils semèrent à Wall Street lui valut le titre de senior reporter. Lassé du travail de journaliste et ayant mis un peu d’argent de côté après avoir frôlé le Pulitzer, il éprouva le besoin de changer de vie et se reconvertit comme auteur de fiction. Après avoir pris pour agent Lori Jacobson, il obtint un succès d’estime lors de la parution de son premier roman, Faux mouvement. Mais les livres suivants ne suivirent pas le même mouvement. Alors qu’il est obligé de faire des traductions afin de subvenir à ses besoins, il cherche un moyen de rebondir lorsque Kenneth Tar, patron de l’entreprise de câble Black, cotée en bourse, lui propose d’écrire un roman-vérité sur Black en échange d’un confortable revenu. Les clauses du contrat étant quasi léonines, il refuse ce travail et signe un autre contrat avec l’entreprise True fiction. En prenant le pseudonyme de Tom Capote, en hommage à l’auteur de De sang-froid, il va raconter l’histoire d’un magnat du pétrole aux combines très douteuses dans du Rififi à Wall Street. Mais cette histoire ressemble trop à celle de Kenneth Tar, il se trouve donc dans une très fâcheuse posture et poursuivi par les sbires de Tar.
C’est ce que nous livre Vlad Eisinger avant de nous raconter l’histoire de Tom Capote. Un très bon polar aux rebondissements subtils qui nous tient en haleine. Mais il arrive que l’on se demande qui écrit : Eisinger, Capote ou bien…
Cet ouvrage est celui d’un amoureux de la « série noire », de Chandler, de Spillane, de Hammett, mais aussi du Petit bleu de la côte ouest de Jean-Patrick Manchette auquel il rend hommage en le citant. C’est aussi un fervent admirateur d’Ayn Rand à l’origine de l’objectivisme en littérature et de son successeur Leonard Peikoff. Rand disait de sa philosophie : « Ma philosophie, par essence, est le concept de l’homme en tant qu’être héroïque, avec son propre bonheur comme objectif moral de sa vie, avec l’accomplissement productif comme sa plus noble activité, et la raison son seul absolu » (lire La vertu d’égoïsme). Elle disait aussi que la réalité existait indépendamment de l’esprit de l’observateur.
Un très bon livre, à ne pas laisser passer par les amateurs de matriochkas ou de poupées gigognes.
Jean-Jacques Bretou
Vlad Eisinger est un romancier américain né en 1980. Du rififi à Wall Street est son septième titre publié et marque sa première incursion dans le genre du roman noir.
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