Dragon, ange et pou, Trois burlesques, Christian Cottet-Emard
Dragon, ange et pou, Trois burlesques, 75 pages, 12 €
Ecrivain(s): Christian Cottet-Emard Edition: Le pont du changeLes quatorze anges de Conques
Le petit volume blanc nous accueille drôlement : un curieux cortège de trois créatures sorties de l’imaginaire, de la pierre, et de dame Nature, nous invite donc à sourire, à plaisanter, à goûter aux facéties (burlesques) de l’auteur qui avec malice (« les autres malices ») nous les présentera en dés/ordre : le dragon Hafner, le deuxième ; l’ange curieux pour finir et un pou d’orgue pour ouvrir le bal. Trois nouvelles, trois contes ou trois fables, selon notre humeur. Le premier récit, le plus ample est affaire d’insecte : bref, est affaire de littérature (pensons à l’ami Aristophane).
Le héros, un improbable Alastair Bang, qui, malgré son prénom britannique, ne ressemble pas heureusement au patibulaire vieil ami de la mort, aux yeux blancs, est un J.H Fabre moderne, célibataire en mal d’amour. Il a « un humour particulier ». Nul ne saurait remettre en cause ses compétences scientifiques : il pourra débarrasser la petite ville française d’un énorme pou, « un monstre » accroché aux tuyaux de l’orgue de l’abbatiale. Il nous faut une caution raisonnante en matière d’histoire fantastique. Les dignitaires du lieu, du pharmacien rival, Adolphe Hénol, à la vieille fille au nom de fleur, Jacinthe, en passant par Cafardo, le bien nommé, tous mettent leur espérance en Alastair Bang. Ce dernier identifie la bête. C. Cottin-Emard s’amuse lui à nous perdre dans notre lecture, tantôt souriante, tantôt rêveuse, tantôt plus mélancolique.
Parfois le détail de l’écriture superpose des voix comme en musique : p.33, une longue liste comme dans une page homérique énumère les centres d’intérêt de l’habitant moyen. Le spécialiste s’exclamerait : burlesque ! Plus loin, p.42, il retrouve des accents de la préciosité. Le pou en personne d’ailleurs incarne ce regard en biais, ironique et pourtant tendre. Il se fait, après avoir été chassé de son repaire par la puissance sonore de l’instrument, sans doute, Vouivre du lac. Jacinthe dans ses eaux retrouvera le plaisir sensuel de sa jeunesse. Elégie comme le poème d’Alvaro Alvarez, ami d’Alastair. Mais le bonheur est peut-être encore possible : il suffit de se dédoubler, d’écouter la voix justement de sa jeunesse pour qu’Alastair retourne chez lui à Stockholm retrouver sa « jeunette » et lui dire à l’oreille GROUIPS.
Deuxième « bestiole » : un petit dragon. Le narrateur, qui ressemble quelque peu à l’auteur, le découvre dans son tas de bois de chauffage et surtout non loin de la citerne de gaz. Rien de plus normal mais risqué. Le petit dragon (nommé Hafner), animal non répertorié par la zoologie, à la différence du pou, boit gentiment de l’eau. Mais il faut là aussi s’en débarrasser : la voisine du narrateur accepte que le dragon soit évacué par les taupinières de son champ (technique imparable). Elle ne demande en contrepartie qu’un cigare à son voisin qu’elle allumera avec les flammes bien sûr du petit Hafner, un peu apeuré.
La fable s’arrête et commence alors la sagesse, la méditation : « qu’est-ce que ça peut faire ? »
Quelques pages encore, plus célestes, près de l’ange curieux qui dialogue avec un narrateur travaillant dans un poste de surveillance. Ange de sagesse aussi, ange au sourire énigmatique, guide de la voûte céleste comme les quatorze anges du tympan de Conques, passant leurs deux mains, la moitié de leur visage aux yeux attentifs, par-dessus le drapé du firmament de pierre. Ne sommes-nous pas, nous lecteurs, ceux qui par-dessus l’épaule de l’auteur découvrons ce qu’il annonce ?
Marie du Crest
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