Deux recueils poétiques (par Philippe Chauché)
Si la poésie doit tout dire…, Pascal Boulanger, Les Editions du Cygne, août 2022, 50 pages, 10 €
« Des vagues qui haussent le col dressent la tête
Des vagues qui montent & tombent montent & tombent
Des vagues qui s’étirent en aveugle jusqu’à l’approche des côtes
Des vagues qui s’effondrent »
« Des mélancolies des jubilations
Des baisers qui exigent au plus intime
Des baisers à la vibration silencieuse
Des baisers au baptême des yeux »
Pascal Boulanger est un poète du réel, un réel où affleure l’imaginaire, comme l’écume des vagues qui se lèvent au large de la côte bretonne, où il se tient droit, comme un capitaine de frégate relégué à terre, ou encore Chateaubriand fixant sa vie et laissant ses mémoires se nourrir des embruns. Ce petit livre est une liste des merveilles, entendez : les vagues, les fleurs, les baisers, les chemins, des voix et des livres. Ce petit recueil inspiré est construit comme un chant, une offrande, une révélation, des chants, des offrandes, des révélations à la joie et parfois à la mélancolie. Ce petit recueil musical vibre aux sons des mots que le poète assemble, comme un verrier, ses éclats de verres colorés. L’inspiration donne tous les droits, sauf celui de mal écrire, de mal dire, de sonner faux, c’est tout l’inverse dans Si la poésie doit tout dire… qui s’articule entre d’heureuses présences, et une troublante absence, baptisée l’absente, elle apparaît comme un haiku – & l’absente se retire immobile dans le temps. Pascal Boulanger mise sur les sensations, la musique des vagues, les couleurs des fleurs, et les baisers qui nourrissent les livres.
Les Carnets Tchanqués, Pierre-Olivier Lambert, Corinne Pangaud, Ars Poetica, juillet 2022, 126 pages, 18 €
Sur le Bassin d’Arcachon point d’écume des vagues, elles n’osent s’y aventurer, c’est un espace romanesque où l’océan s’est assoupi. Pierre-Olivier Lambert a le Bassin dans les yeux, et au fond du cœur, et il s’arme de l’art subtil du Tanka (1) pour saisir en cinq phrases acérées ce qu’il voit. Il est parfois perché, tchanqué, comme les cabanes du Bassin, se transformant le temps d’une observation romanesque en berger échassier.
« le ciel / pour regard / deux cabanes tchanquées / dévisagées / par le vent »
« pinasses aériennes / aux ailes / hissées / par des matelots / d’azur »
« orfèvre / de sable / j’y prie le vent / le repentir / des cabanes »
Pierre-Olivier Lambert saisit ainsi le Bassin, les dunes voisines, l’océan qui s’impatiente, les cabanes, les parcs à huîtres, l’aube d’un matin girondin, et ses phrases mariées, ne sont jamais anecdotiques, mais toujours inspirées par le regard. Il nous fait voir et entendre la musique du Bassin, de son Bassin qui semble ne jamais le quitter, comme il ne semble pas quitter Corinne Pangaud qui a signé les beaux dessins à l’encre de paysages et d’hommes, ils ont la texture d’aquarelles avec des gris et des noirs légers ou plus profonds, des blancs laiteux, qui imprègnent ce livre gracieux. C’est une ode au Bassin, aux Bassins bercés par les marées et les vents atlantiques, que nous offre l’auteur, précis et attentif comme un marin qui a trouvé là, son port d’attache.
Philippe Chauché
(1) poème japonais de forme courte, qui se traduit par « chant court », et qui est antérieur à l’apparition du haiku. Le tanka était réservé à la Cour impériale. L’auteur fait référence à la poétesse Nakuta no Ôkimi (princesse Nukata). « Elle se situe dans la longue tradition des princesses prêtresses », il la présente également comme diseuse de bon présage.
Pascal Boulanger a notamment publié : Confiteor, carnets 2012-2013 ; Jusqu’à présent je suis en chemin, carnets 2016-2018 (Tituli) ; Mourir ne me suffit pas (Editions de Corlevour), et L’intime dense (Editions du Cygne)
Pierre-Olivier Lambert a également publié chez Ars Poetica, La Lumière cendrée, un recueil lui aussi inspiré par le japon des haïkus.
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