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Des lions et des hommes, collectif (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine 23.05.19 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arts, Gallimard

Des lions et des hommes, Sous la direction de Maria Gonzảles Menéndez, avril 2019, 160 pages, 130 ill., 22 €

Edition: Gallimard

Des lions et des hommes, collectif (par Charles Duttine)

 

 

Les félins, une histoire humaine.

La Grotte Chauvet II à Vallon-Pont-d’Arc en Ardèche (réplique de la grotte Chauvet découverte en 1994) présente actuellement sa première exposition. Elle porte sur des animaux fabuleux, le lion et autres fauves, qui ont exercé une fascination sur les hommes depuis 400 siècles. Plus de 170 œuvres d’art y sont exposées, relatant les relations que les hommes ont entretenues avec les félins au cours de 40.000 ans d’histoire et à travers sept grandes civilisations. L’ouvrage Des lions et des hommes, publié par Gallimard-Art, est le catalogue de cette exposition. Ce beau livre a été écrit par un collectif de spécialistes et se présente comme une sorte de manuel séduisant et didactique qu’on a plaisir à découvrir.

On y apprend que dans l’art de la Préhistoire, notamment chez les Aurignaciens, 43.000 AP (avant le présent) à 31.000 AP, les animaux formaient un riche répertoire, présent dans les plus grands sites, comme ceux d’Altamira en Espagne, Lascaux et Chauvet en France. Des chevaux, des bisons, des mammouths, des aurochs constituent ce bestiaire. Le lion ne joue pas un rôle prédominant dans l’art paléolithique sauf à Chauvet (75 figures) avec le grand panneau des lions. On peut s’interroger sur les raisons multiples qui ont conduit nos ancêtres aurignaciens à représenter un tel animal. L’un des contributeurs, Jean Clottes, dans un article très intéressant, évoque la spiritualité inhérente à cet art des cavernes. Les caractéristiques de cet art, écrit-il, « donnent à penser que l’essentiel des croyances et des rites consistait à entrer en contact direct avec les puissances surnaturelles à portée de main dans les profondeurs des cavernes » (p.21). Et cet auteur d’appeler notre espèce « Homo spiritualis » plutôt que « Homo sapiens » ; il estime ce dernier vocable « peu adapté puisqu’il implique une notion de sagesse dont notre espèce donne bien peu de preuves » (p.19).

Et l’ouvrage poursuit et explore la représentation des félins dans les différentes civilisations, au Proche-Orient, en Egypte, dans le monde gréco-romain, en Asie, en Amérique et en Afrique. Et on y apprend autant sur l’animal que sur les hommes, leurs craintes, leurs rêves et leurs idéaux. Les grands félins sont sans aucun doute les prédateurs auxquels les hommes se sont le plus souvent identifiés, cherchant à se mesurer à leur puissance. On découvre ainsi la profonde fascination mêlée de terreur que les hommes ressentent depuis toujours devant ces animaux représentés fréquemment comme symbole de pouvoir et semblant posséder une proximité avec le divin. « Commun dénominateur à toutes ces cultures, l’homme s’est regardé dans les yeux des grands félins pour trouver sa propre place dans la nature » (p.9) écrit Maria Gonzảlez Menéndez, commissaire de l’exposition, qui dirige cet ouvrage.

Il est impossible de rendre compte ici de toute la richesse des représentations culturelles et artistiques sur ces fauves. Nous découvrons le lion d’Ishtar, la déesse de la guerre qui veillait à l’une des portes de Babylone, et encore les dieux léonins de l’Egypte à la fonction tutélaire. L’ouvrage explore aussi le monde gréco-romain où l’animal fut considéré comme un modèle et une mesure pour les héros. Dans le monde asiatique, c’est le tigre qui devient le fauve redouté et vénéré dans l’art des nomades de l’Eurasie et celui de la Chine, jusqu’à nos jours avec le film Dersou Ouzala (1975) de Kurosawa. En Amérique, le jaguar et le puma sont fréquemment représentés dans l’art précolombien où on leur reconnaît courage, férocité et noblesse comme dans le magnifique masque pectoral découvert à Monte Alban, haut-lieu de la culture zapotèque. Enfin, en Afrique, lions et panthères exercent une semblable fascination pétrie de respect dans l’imaginaire collectif.

Au-delà des informations rigoureuses de la part des spécialistes, un tel ouvrage, à l’iconographie riche et soignée, invite à un voyage dans l’espace et le temps de ces cultures majestueuses. Enfin, il nous fait approcher de ces animaux dont les aires de répartition n’ont fait que diminuer au cours de l’histoire, certaines espèces étant jugées « vulnérables » ou « en danger ». Un livre donc à découvrir et une exposition incontournable, à voir jusqu’au 22 Septembre, si vous passez par l’Ardèche.

 

Charles Duttine

 


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A propos du rédacteur

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Charles Duttine enseigne les lettres et la philosophie, après avoir étudié à la Sorbonne où il fut notamment élève d’Emmanuel Levinas. Auteur de nombreux récits courts, dont Douze Cordes (Prix Jazz en Velay, 2015), il a publié deux recueils de nouvelles, Folklore, Au Regard des Bêtes et un récit romanesque Henri Beyle et son curieux tourment.

Son dernier ouvrage (deux novellas) L’ivresse de l’eau suivi par De l’art d’être un souillon vient de paraître aux Editions Douro. Il publie régulièrement dans de nombreuses revues littéraires.