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Débâcle, Ricardo Menéndez-Salmón

Ecrit par Marc Ossorguine 11.11.15 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Espagne, Roman, Editions Jacqueline Chambon

Débâcle (Derrumbe, 2008), avril 2015, traduit de l’espagnol par Jean-Marie Saint-Lu, 192 pages, 21 €

Ecrivain(s): Ricardo Menéndez Salmón Edition: Editions Jacqueline Chambon

Débâcle, Ricardo Menéndez-Salmón

 

C’est un récit un peu étrange que nous propose Ricardo Menéndez-Salmón avec cette Débâcle, une manière de thriller dont la dimension polar est à la fois présente et effacée. Un récit qui n’est pas sans créer un certain malaise chez le lecteur qui suit les deux principaux narrateurs de ce roman noir de noir, un tueur en série particulièrement imprévisible, Mortenblau, et l’un des policiers qui enquête sur l’affaire, Manila, et qui pourrait aussi devenir une victime « collatérale ».

Le malaise vient sans doute de ce qu’il n’y a pas de logique, pas de projet ou d’obsession clairement appréhendable dans les actes du tueur, sa folie meurtrière n’obéit à aucune logique, si ce n’est celle d’une pulsion qui l’effraye lui-même, qui prend la forme d’un lion qui l’envahit et auquel il ne peut échapper. Dépourvu de stratégie, saisissant les opportunités, Mortenblau introduit dans la cité une irrationalité monstrueuse et impitoyable qui convoque la peur et la sacralise comme principe vital. Mais comme tout monstre, celui-ci est aussi humain, victime autant que bourreau et incarnation simple, brute et brutale du mal. Un mot aussi court qu’ancien, tapi au cœur de l’humain et de toutes nos sociétés.

Le récit échappe à la réduction à l’anecdote policière en la laissant délibérément de côté, se refusant à jouer des ficelles habituelles du suspense pour s’intéresser à ce qui se joue pour les différents protagonistes dans leur rapport à cette monstruosité qui se manifeste ouvertement, sans raison si ce n’est d’être, pleinement, radicalement, trouvant sa justification d’être et sa satisfaction à agir – toujours trop provisoire – en elle-même.

Face à Mortenblau, il y a Manila, un flic fatigué mais qui reste attaché au sens profond de son métier, une confrontation au mal. Manila et sa petite fille qui est tout, Manila et son épouse Vera, enceinte, qui s’éloigne irrésistiblement de lui.

Il y a aussi de l’anticipation dans ce roman, car nous sommes en un lieu urbain indéterminé, dans un futur qui pourrait hélas être assez proche, où le savoir passe par des parcs d’attractions thématiques qui organisent le rapport au monde de chacun. Des parcs qui sont devenus les lieux privilégiés du rapport au savoir et à la connaissance, réduits à des actes de consommation. Des lieux qui sont des symboles et des aimants, pour l’ordinaire comme pour le pire (pour le meilleur, l’auteur ne se prononce pas).

Une écriture qui peut dérouter par ses ellipses et qui se joue de nos attentes, somme toute bien conventionnelles et rassurantes, pour se placer et nous placer face à ce problème peut-être plus vieux que le monde, plus vieux que la littérature, celle de l’affrontement et de la confusion entre ce que l’on nomme « mal » et le reste (le bien, l’indifférence ou la peur).

 

Marc Ossorguine

 

Les éditions Jacqueline Chambon et Actes Sud ont publié une bonne part de l’œuvre de Ricardo Menéndez-Salmón : L’offense (La Ofensa, 2007), 2009 ; Le correcteur (El corector, 2009), 2011 ; La philosophie en hiver (La filosofía en invierno, 1999), 2011 ; La lumière est plus ancienne que l’amour(La luz es más antigua que el amor, 2010), 2012 ; Medusa (Medusa, 2012), 2013.

En Espagne on peut en plus trouver 4 autres romans : Panóptico, 2001 ; Los arrebatados, 2003 ; La noche feroz, 2006 ; Niños en el tiempo, 2014.

Autant de recueils de nouvelles : Los desposeídos, 1997 ; Los caballos azules, 2005 ; Gritar, 2007 ; Los caballos azules, 2009.

De la poésie et du théâtre : La soledad del grumete, 1998 ; Konstantino Kavafis vierte lágrimas arcádicas, 2001 ; Las apologías de Sócrates, 1999

Outre le français, ses œuvres sont traduites en catalan, italien, portugais, néerlandais, allemand ou turc.

 

 

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A propos de l'écrivain

Ricardo Menéndez Salmón

Ricardo Menéndez Salmón est né à Gijón en 1971, où il vit. Licencié de philosophie, il a été directeur de collection, critique littéraire, auteur de livres de voyage, de nouvelles et de romans. L’Offense, le premier livre de La Trilogie du mal, dédié à la guerre, est paru chez Actes Sud en 2009. Le Correcteur, lui, est dédié à la peur.

(présentation sur le site de l’éditeur Jacqueline Chambon)

A propos du rédacteur

Marc Ossorguine

 

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Rédacteur

Domaines de prédilection : littérature espagnole (et hispanophone, notamment Argentine) et catalane, littératures d'Europe centrale (surtout tchèque et hongroise), Suisse, littératures caraïbéennes, littératures scandinaves et parfois extrême orient (Japon, Corée, Chine) - en général les littératures non-francophone (avec exception pour la Suisse)

Genres et/ou formes : roman, poésie, théâtre, nouvelles, noir et polar... et les inclassables!

Maisons d'édition plus particulièrement suivies : La Contre Allée, Quidam, Métailié, Agone, L'Age d'homme, Zulma, Viviane Hamy - dans l'ensemble, très curieux du travail des "petits" éditeurs

 

Né la même année que la Ve République, et impliqué depuis plus de vingt ans dans le travail social et la formation, j'écris assez régulièrement pour des revues professionnelles mais je n'ai jamais renié mes passions premières, la musique (classique et jazz surtout) et les livres et la langue, les langues. Les livres envahissent ma maison chaque jour un peu plus et le monde entier y est bienvenu, que ce soit sous la forme de romans, de poésies, de théâtre, d'essais, de BD… traduits ou en V.O., en français, en anglais, en espagnol ou en catalan… Mon plaisir depuis quelques temps, est de les partager au travers de blogs et de groupes de lecture.

Blog : filsdelectures.fr