De quelle nuit, Maria Desmée (par Jean-Paul Gavard-Perret)
De quelle nuit, Maria Desmée, 2019, 94 pages, 8 €
Edition: Editions HenryLa « comédie » humaine :
L’absence et le lointain qu’elle produit induisent une proximité. Sa sensation se répète depuis si longtemps que – si elle garde son étrangeté et demeure toujours l’expérience de la douleur – l’histoire à l’écriture de Maria Desmée qui trouve ici un « pas au-delà » de la nuit. Dans ses textes en brièvetés persévérantes, la souffrance sans disparaître vraiment change de cap grâce à l’analyse ou la poétique que l’auteure en tire en devenant ensemble non avec l’autre mais elle-même. La parole est toujours une parole échangée avec le vide, celui laissé par l’unique, sa disparition et son « occupation infinie » comme écrivit Blanchot. Mais peu à peu le fini fait retour, comme le dedans face au dehors. Bref la présence de l’absence libère. A l’avoir chéri si longtemps, à travers ses échos l’éloignement suit son cours. C’est peu, aurait pensé Maria, puisque si longtemps elle se serait contentée de moins. Mais si un amour espéré proche ne répondra plus jamais, la vie oppose l’écart de son écart. Et si le ton reste grave, dans ce chant en ses cassures la créatrice et recréatrice d’elle-même sort de son cercle vicié. L’existence ne tourne plus sur elle-même, elle s’étend. Preuve que vivre n’est pas survivre mais sur-vivre à ce qui était jusque-là un mouvement de suppléance. Parler revient à clouer le bec à qui s’est tu et retiré et qui dans son silence ne cessait d’appeler.
Peu à peu un apaisement progresse là où Maria Desmée se libère de la trop longue parole du silence. L’absence n’est pas l’exclusion de la vie. Elle trouve ici à qui et de quoi dire. La poétesse ne l’envisage pas distinctement et psychologiquement mais d’une manière diffuse, impalpable dans un mouvement qui apaise les symptômes terrifiants et morbides. D’où la présence paradoxale d’une possible formulation future qui rend plus que tolérable le métier de rester vivant.
Jean-Paul Gavard-Perret
Maria Desmée est peintre et poète. Née en Roumanie, elle vit et travaille en France depuis 1982. Après avoir publié des essais et notes de lectures, dans la revue Sapriphage, qu’elle fonde et codirige avec Gilbert Desmée en 1987, la poésie s’impose, telle une évidence qui structure le corps de la langue et l’espace de son déploiement.
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