De l'érotisme, Robert Desnos
De l’érotisme, et Voici l’amour du fin fond des ténèbres, Annie Le Brun, février 2013, 116 p. 6,90 €
Ecrivain(s): Robert Desnos Edition: GallimardGallimard propose sous la couverture de la collection « L’imaginaire » la réunion d’un texte de Desnos paru dans le recueil Nouvelles Hébrides et autres textes (1922-1933) édité chez Gallimard par Marie-Claire Dumas (dont les notes sont reprises ici), et de l’article publié par Annie Le Brun en 2011 dans le n°3 de la revue L’Étoile de mer (nouvelle série), cahiers de l’Association des Amis de Robert Desnos.
Le texte de Desnos, écrit à la demande du mécène Jacques Doucet en 1923, constitue une brève histoire de la littérature érotique de l’Antiquité à Guillaume Apollinaire. Cette histoire est partielle, et forcément partiale, puisque, comme l’explique Desnos dans un chapitre préliminaire, « l’érotique est une science individuelle ». La place laissée à Sade n’est cependant guère contestable, et Desnos bâtit entièrement son texte autour de son œuvre. Elle est en effet à ses yeux un ferment essentiel de l’esprit moderne, et cela bien au-delà du seul érotisme. Desnos distingue ensuite l’œuvre de Sacher-Masoch, le masochisme étant « la seule forme d’amour qui se soit développée depuis Sade ». S’il salue chez Apollinaire « le rôle essentiellement moderne du fouet », le lecteur ne peut s’empêcher d’évoquer la grande scène de flagellation du pensionnat d’Humming-Bird, dans La liberté ou l’amour !qui cristallise soudainement un fantasme érotique que Desnos place au cœur des « mystérieuses arcanes de [s]on érotique imagination » (La liberté ou l’amour, ch. X « Le pensionnat d’Humming-Bird Garden »).
Le goût de Desnos pour Sade tient en partie à l’excès dans la représentation érotique, qui la situe d’emblée sur le plan de l’imaginaire. Il ne s’agit pas là d’une quête d’une stimulation pornographique, Desnos définissant la littérature pornographique comme « bornée aux facultés inférieures ». Desnos, tout au long de ces pages, ne traite qu’avec condescendance un érotisme matérialiste, tel celui d’un Restif de la Bretonne, qui s’en tient à l’excitation de la chair. L’érotisme pour Desnos relève de l’esprit, et ne se dissocie pas de l’amour : il est cet amour « à la fois pur et licencieux dans l’absolu ». De façon révélatrice, le poète place ainsi les Lettres de la Religieuse portugaise au niveau de l’œuvre de Sade.
Dans son article, Annie Le Brun, qui a appartenu au groupe surréaliste et est une spécialiste de Sade, montre que l’érotisme est un ferment de la poétique de Desnos, en s’appuyant sur une lecture de l’ensemble de son œuvre, abondamment citée. Elle pointe la quête amoureuse qui sous-tend le lyrisme du poète, et l’importance de l’imagination, composante essentielle d’un érotisme qui, par là, dépasse les sens et devient source d’émerveillement et de poésie.
Ivanne Rialland
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